Nom : Prabowo Subianto

Âge : 72 ans

Fonction : Ministre de la Défense de l’Indonésie, candidat à la présidentielle

Mots clés : Candidature, allégations, dynastie, déménagement

Pourquoi on en parle 

Prabowo Subianto est favori dans l’élection présidentielle indonésienne prévue le 14 février. Plus de 205 millions d’électeurs, répartis sur 18 000 îles, vont voter pour le successeur de Joko Widodo (surnommé Jokowi), empêché par la Constitution de briguer un troisième mandat après 10 ans au pouvoir. Les sondages montrent que Prabowo devance de 20 points ses principaux rivaux (l’ancien gouverneur de Jakarta, Anies Baswedan, et l’ex-gouverneur de Java central, Ganjar Pranowo). Si aucun des candidats n’obtient plus de 50 % des suffrages, un second tour sera organisé fin juin entre les deux candidats arrivés en tête.

Un passé trouble

Ancien général et actuel ministre de la Défense, ex-gendre de l’autoritaire dictateur Suharto (qui a régné de 1965 à 1998), Prabowo est perçu comme un leader ferme, tenant du maintien de l’ordre. Dans les années 1990, il aurait été impliqué dans l’enlèvement et la torture de militants pour la démocratie et des atteintes aux droits de la personne, notamment au Timor oriental, alors une région sécessionniste qui deviendra un pays indépendant en 2002. Ces allégations sont démenties par le principal intéressé, qui n’a d’ailleurs jamais été poursuivi en justice. Mais sa candidature préoccupe les observateurs : « S’il est élu, Prabowo risque de poursuivre peu à peu le démantèlement de la démocratie indonésienne et de réduire les droits et libertés de l’opposition démocratique qui avait commencé sous Jokowi », estime Alexandre Paquin-Pelletier, professeur de science politique de l’Université Laval, actuellement en Indonésie.

Embrasser la dynastie

Prabowo tente aujourd’hui d’adoucir son image. Il se présente comme un grand-père inoffensif, usant d’humour et de steppettes lors de rassemblements politiques, utilisant même TikTok pour se construire une base de jeunes partisans. Il a aussi vu sa cote de popularité grimper depuis qu’il a choisi pour colistier Gibran Rakabuming Raka, 36 ans, fils aîné du président sortant Jokowi. Ce dernier est accusé de se servir de cette alliance pour conserver son influence et construire une dynastie politique dans l’archipel. Mais l’intérêt va dans les deux sens. La candidature de Gibran favorisera Prabowo dans des provinces où il est plus faible (Java central et Java oriental) et pourrait lui attirer le soutien des électeurs de moins de 40 ans.

La suite logique

S’il est élu, Prabowo a promis de poursuivre la stratégie protectionniste de Jokowi. Celle-ci consiste à transformer la plus grande partie de ses ressources naturelles localement, plutôt que de les exporter à l’état brut. Il faut savoir que l’Indonésie possède entre autres les plus grandes réserves de nickel au monde – un élément clé dans la filière batterie. Prabowo souhaite par ailleurs aller de l’avant avec le déménagement de la capitale indonésienne, un projet délirant lancé par son prédécesseur.

Une ville champignon

Jakarta étouffe sous la pollution et la surpopulation. La ville, construite sur des marécages, s’enfonce. En 2019, Joko Widodo a annoncé qu’il construirait une nouvelle capitale à 1200 km de là, sur l’île de Bornéo. Ce projet pharaonique, évalué à 35 milliards de dollars, est déjà avancé et on parle d’une inauguration officielle en août prochain. Les autorités indonésiennes visent une population de près de 2 millions d’ici 2045, pour le centenaire de la proclamation d’indépendance du pays. Gros hic : les impacts environnementaux s’annoncent désastreux, sans compter les coûts. Candidat de gauche à la présidentielle, Anies Baswedan critique vivement ce projet mégalomane, arguant que l’Indonésie a des « besoins plus urgents » que de fournir une nouvelle demeure au président.

PHOTO AJENG DINAR ULFIANA, REUTERS

Le candidat à la présidentielle Anies Baswedan et son colistier Muhaimin Iskandar, lors d’un rassemblement de campagne

« Le financement du projet sera crucial, ajoute Alexandre Paquin-Pelletier. Il s’agit d’une somme colossale pour tout pays, l’Indonésie en particulier. La gestion des fonds et des contrats publics sera déterminante, car ceux-ci risquent d’être détournés par la corruption et le clientélisme, des problèmes importants dans ce pays. »

Les priorités de l’électorat

Selon un sondage Indikator Politik Indonesia paru en septembre, l’inflation et l’emploi étaient cités comme les principales priorités des électeurs, en particulier chez les jeunes. Le taux de chômage indonésien était de 5,3 % au mois d’août, mais de 17 % chez les jeunes de 24 à 35 ans. L’élection devrait aussi affirmer la politique étrangère de ce pays de 280 millions d’habitants à forte majorité musulmane. Les trois candidats ont ouvertement exprimé leur soutien au peuple palestinien. Prabowo affirme qu’il fera la promotion de l’indépendance palestinienne, y compris l’ouverture d’une ambassade indonésienne dans les territoires palestiniens. Les nouveaux président et vice-président devraient entrer en fonction au mois d’octobre.

Avec France 24, la BBC, The Guardian, Nikkei Asia, Euronews, l’Agence France-Presse et GCR