La guerre qui déchire le Sri Lanka depuis trois décennies a atteint un tournant majeur : l'armée dit avoir percé les dernières défenses des Tigres tamouls, et l'Inde a décidé de dépêcher son ministre des Affaires étrangères à Colombo pour tenter une médiation.

Le président srilankais Mahinda Rajapakse avait juré en 2006, quand les États-Unis, le Canada et l'UE ont inscrit les Tigres tamouls (LTTE) sur la liste des « groupes terroristes », de les « anéantir par les bombes ».

Dans une entrevue cette semaine à l'influent quotidien indien The Hindu, il a déclaré pour la première fois qu'il « ne croit pas que les questions politiques puissent être réglées par la force militaire ».

Ce qui n'empêche pas ses forces armées, qui disent avoir percé les dernières défenses des Tigres au sud de leur QG de Kilinochchi, de pousser leur avantage sur le terrain, malgré de fortes pluies et la perte de 33 soldats hier.

L'Inde avait dépêché sans succès une force de paix au Sri Lanka à la fin des années 80. Rajiv Gandhi était premier ministre, et les Tigres s'étaient vengés en l'assassinant dans un attentat suicide exécuté par une jeune femme en 1991.

New Delhi est resté à l'écart du conflit depuis. Mais devant la nouvelle tournure, les alliés tamouls du Parti du congrès menacent de partir si le gouvernement n'intervient pas.

Le premier ministre Manmohan Singh, déjà fragilisé par la perte du soutien de la gauche sur la coopération nucléaire avec les États-Unis, risque de perdre sa majorité. Il redoute aussi une déferlante de réfugiés tamouls en Inde si les Tigres sont défaits au Sri Lanka.

Les Tamouls sont 3,5 millions au Sri Lanka, hindous et chrétiens, contre 15 millions de Cinghalais bouddhistes. Ils comptent sur une diaspora de 100 millions de Tamouls en Inde et dans le monde, dont 70 millions dans l'État indien du Tamil Nadu.

La diaspora

Cette diaspora s'est mobilisée, appelant l'Inde à reconnaître l'Eelam, dans le nord et l'est du Sri Lanka, comme foyer national des Tamouls de l'île. À Paris, les Tamouls ont manifesté dimanche, malgré l'interdiction de la police, pour clamer « On n'est pas des terroristes », et pour dénoncer « le génocide des Tamouls au Sri Lanka ».

En 30 ans, cette guerre a fait plus de 100 000 morts et 1,5 million de déplacés. Elle a été marquée par des massacres de civils et des violations de droits de l'homme de part et d'autre.

Les pays scandinaves avaient lancé un processus de paix en 2002, mais il a volé en éclats quand les Occidentaux ont classé le LTTE sur la liste des organisations « terroristes ». Le général suédois Ulf Henricsson, alors chef de la mission de paix, avait accusé l'UE d'avoir donné « carte blanche » à Colombo « pour en finir avec les Tigres ».

Il semble que le gouvernement Rajapakse au Sri Lanka veut sinon « anéantir » du moins mettre les Tigres à genoux avant la fin du mandat de George W. Bush à la Maison-Blanche.