A la veille du cinquantenaire du soulèvement tibétain de 1959, des bombes artisanales ont endommagé lundi deux véhicules de police dans des zones tibétaines de l'ouest de la Chine. Une attaque annoncée dans les médias chinois alors que Pékin a resserré l'étau sécuritaire autour de la région, placée sous étroite surveillance policière un an après les émeutes au Tibet.

Tôt lundi matin, deux petites bombes ont cassé les gyrophares et soufflé le toit d'une voiture de police et d'un véhicule anti-incendie dans une exploitation forestière isolée de la province de Qinghai, selon l'agence de presse officielle Chine Nouvelle (Xinhua). Aucune victime n'était signalée.

Ces explosions, provoquées par des «engins explosifs artisanaux rudimentaires», sont intervenues après un affrontement entre des locaux et des policiers qui inspectaient des véhicules de l'exploitation Makahe, selon Xinhua.

Dans la journée, le président chinois Hu Jintao a assuré que le Tibet était stable et exhorté les responsables politiques de la région à promouvoir le développement économique pour contrer le séparatisme. «Nous devons bâtir une grande muraille solide contre le séparatisme, maintenir l'unité de la patrie et faire évoluer la stabilité de base du Tibet vers une stabilité durable», a déclaré le chef de l'Etat à la télévision officielle.

Ces dernières semaines, le gouvernement chinois a intensifié la présence policière et militaire dans les zones tibétaines, un quart du territoire chinois qui comprend la région du Tibet et déborde sur les provinces de Qinghai, du Sichuan et de Gansu.

Les autorités chinoises veulent éviter tout trouble en cette semaine particulièrement sensible: mardi, c'est le 50e anniversaire du soulèvement du 10 mars 1959, violemment réprimé par Pékin, qui avait marqué le début de l'exil indien du Dalaï Lama. Samedi, celui de la manifestation antichinoise du 14 mars dernier, point de départ des plus violentes émeutes qu'ait connu le Toit du Monde depuis des décennies.

Convoi de blindés et postes de surveillance fortifiés avec des sacs de sable ont transformé la région en camp militaire.

Des policiers armés patrouillaient en plus grand nombre ce week-end autour du monastère Rongwo à Tongren, selon le blog tibétain High Peaks Pure Land. L'information a été confirmé par l'institut de recherche artistique de Rebkong, proche du monastère.

Parties, comme en 1959, de Lhassa, la capitale tibétaine, les émeutes de l'an dernier s'étaient propagées à toute la région. Les plus fortes violences avaient éclaté dans des communautés traditionnelles des montagnes aux confins des provinces de Sichuan, du Gansu et du Quinghai. Elles abritent les plus importants monastères bouddhistes qui se sont rebellés sous les contrôles religieux imposés par Pékin.

A la préfecture de Ganzi, dans le Sichuan, les autorités disaient avoir reçu l'ordre urgent du gouvernement provincial d'interdire à tous les ressortissants étrangers, y compris les journalistes, la ville mixte chinoise tibétaine de Kangding, dernier endroit de Ganzi encore accessible.

«Il y a une situation particulière et nous espérons que vous pourrez partir dès que possible», a expliqué Zhang Lijuan, une membre du bureau des affaires étrangères de la préfecture aux journalistes de l'Associated Press présents à Kangding. «Normalement, c'est un lieu ouvert et vous seriez bienvenus. Mais à cause de cette situation spéciale, ce n'est pas pratique». Elle n'a pas pas voulu en dire plus, mais Kangding avait déjà été bouclée provisoirement après les manifestations de l'an dernier.

La fermeture de la ville complique encore la vérification des informations provenant de l'immense région. D'autant que les connexions internet et les services de SMS ont été suspendus depuis quinze jours dans les préfectures voisines de Ganzi et Aba.

A Pékin, un responsable du ministère du Département de contrôle des frontières du ministère de la sécurité publique expliquait que les contrôles frontaliers au Tibet étaient renforcés pour prévenir toute perturbation par les partisans du Dalaï Lama. «Nous avons déployé les effectifs nécessaires et renforcé les contrôles» aux frontières, a-t-il expliqué, cité par Xinhua.

Mais cette démonstration de force n'empêche pas les actes de protestation. Selon un site tibétain, Phayul.com, et l'organisation des Etudiants pour un Tibet libre, des dizaines de moines du monastère de Gomang dans la préfecture d'Aba ont défilé en scandant «Longue vie au Dalaï Lama» et «nous voulons les droits de l'Homme» en soutien à un moine d'un monastère voisin qui s'était immolé pour dénoncer la répression religieuse.