À Bangalore, en Inde, les arbres tombent au rythme de la croissance de la ville: l'un des plus rapides au monde. Mais une résidante a décidé de redonner à la capitale technologique du pays son titre de «ville jardin». Un arbre à la fois.

Ne comptez pas sur Janet Yegneswaran pour dénoncer ceux qui coupent des arbres à Bangalore.

«Ce n'est pas mon discours, avertit tout de suite la dame de 57 ans. Bangalore se développe. La ville grandit. Il faut faire des routes et instaurer un système de transports en commun. Et pour ça, il faut couper des arbres.»

 

Bangalore est surnommée «la ville jardin» de l'Inde. Une appellation qui fait sourire lorsqu'on parcourt certains quartiers où seules d'immenses colonnes de ciment destinées à soutenir des autoroutes en construction s'élèvent vers le ciel.

Depuis une décennie, cette ville du sud de l'Inde est littéralement prise d'assaut par les multinationales, qui débarquent ici pour y faire travailler des ingénieurs à faible coût.

Parcs industriels, routes, quartiers résidentiels: les arbres tombent à mesure que Bangalore grandit. «Certains pleurent. Moi, j'agis», dit fièrement Mme Yegneswaran.

12 000 arbres plantés

Comment? En faisant exactement l'inverse de ceux qui défrichent. Janet Yegneswaran plante des arbres. Et pas quelques-uns.

Depuis 2005, d'abord seule, puis aidée par une armée de bénévoles, elle en a planté plus de 12 000.

L'idée lui est venue lorsque son mari est décédé. «C'était un homme formidable. Je voulais faire quelque chose en sa mémoire», dit-elle.

Elle a décidé de miser sur ce qu'elle connaît. Paysagiste depuis plus de 20 ans, elle a compris qu'elle pouvait utiliser sa passion pour aider sa ville. Elle a commencé par cogner aux portes de ses voisins en leur demandant la permission de planter un arbre en face de leur maison. Sa condition: que le voisin en prenne soin.

«Je ne plante pas pour planter. Je plante pour que les arbres survivent et grandissent», explique-t-elle.

Les choses ont évolué rapidement. Des bénévoles ont offert leur aide, mais est arrivé un moment où Mme Yegneswaran ne pouvait plus suivre. C'est que la femme achète ses arbres (ils sont âgés de deux ans lorsqu'elle les plante) directement du département de la Forêt de Bangalore. Coût: de 25 a 30 roupies chacun (environ 60¢ CAN).

«Au début, je payais de ma poche et ça allait, mais un moment donné...»

Ce sont les médias locaux qui l'ont sauvée. Ils se sont intéressés à l'histoire. Puis des entreprises ont commencé à appeler pour savoir si elles pouvaient aider. Aujourd'hui, Mme Yegneswaran leur offre de contrebalancer leurs émissions de carbone en plantant des arbres. Elle demande 100 roupies par arbre - un peu plus que le coût de l'arbre et de son entretien.

Avec le profit, elle continue de fournir des arbres gratuitement aux individus qui en font la demande. À Bangalore, on peut voir son slogan, «Trees for Free» (des arbres gratuits), sur des autocollants jaunes placardés sur les pare-chocs des voitures.

Les entreprises y trouvent leur compte. Si elles acceptent de débourser pour installer une petite clôture métallique autour de l'arbre (les vaches sont particulièrement friandes des jeunes pousses), elles peuvent y poser une affiche avec le nom de leur firme. Yahoo, Levi's, Hewlett-Packard, AMD et Autodesk font partie des entreprises, de plus en plus nombreuses, qui ont sauté dans le bateau.

Mme Yegneswaran ne se fait pas d'illusions: elle sait que ceux qui coupent les arbres sont plus nombreux qu'elle.

«Mais on ne sait jamais, dit-elle avec un grand sourire, peut-être qu'un jour, je vais être plus vite qu'eux!»