Les violences ethniques de dimanche dans le Xinjiang ne sont pas une surprise. Cette province du nord-ouest de la Chine est depuis longtemps le théâtre de tensions entre les Ouïgours et les Hans. La Presse a demandé à Loïc Tassé, spécialiste de la Chine qui enseigne à l'Université de Montréal, de décrire les sources de ces tensions. Et de prédire si le régime chinois arrivera une fois de plus à tuer la contestation dans l'oeuf.

Q: La province du Xinjiang compte au total 20 millions de personnes, dont 8,3 millions d'Ouïgours, des musulmans turcophones. Que revendiquent-ils?

R: Il y a d'abord un groupe indépendantiste de musulmans turcophones, à l'intérieur du Xinjiang, qui revendique l'indépendance. Par ailleurs, chez les autres Ouïgours, il y a un sentiment de mécontentement très fort à l'égard des Hans, l'ethnie majoritaire en Chine, soit environ 92% des Chinois. Parce que les Hans ont, au cours des dernières décennies, petit à petit, commencé à aller s'établir au Xinjiang. Le gouvernement chinois, qui a dépeint le Xinjiang comme une région où il fait bon vivre, y est pour beaucoup dans ce mouvement. Avec comme résultat que les Ouïgours, qui formaient jadis environ 90% de la population de cette région, ne comptent maintenant que pour 40% de la population.

 

Q: Pourquoi le gouvernement chinois a-t-il encouragé cette migration des Hans vers le Xinjiang?

R: Il s'agit très certainement d'arriver à maîtriser cette minorité très embêtante pour le gouvernement chinois. Car elle accepte mal, en général, la domination des autorités chinoises sur son territoire. C'est aussi une minorité très liée au fondamentalisme musulman, assez proche de certaines tribus qu'on trouve au Pakistan et en Afghanistan. Les Ouïgours se définissent souvent comme faisant partie de la grande famille turque et rêvent, pour plusieurs, de l'établissement d'une grande Turquie. Un territoire qui irait de la Turquie jusqu'à la Chine.

Q: Le calme était revenu hier dans la capitale du Xinjiang, mais on signalait des manifestations à Kashgar, la deuxième ville de cette province chinoise. Le mouvement de contestation peut-il durer malgré la répression? Doit-on plutôt s'attendre à un scénario similaire à celui de l'Iran, où la méthode forte aura raison de l'ardeur des manifestants?

R: Il faut savoir que l'armée est très présente dans cette province. Elle contrôle à peu près tout. Alors, je ne pense pas que ça va durer. Le gouvernement chinois va tout faire pour que ça demeure un acte isolé. Cependant, il faut quand même ajouter que les troubles causés par les Ouïgours durent depuis de très nombreuses années. Il faut donc s'attendre à ce qu'il y en ait d'autres.