Les violences au Xinjiang, région chinoise à majorité musulmane, ont braqué les projecteurs sur les tensions ethniques dans un pays peuplé de 1,3 milliard d'habitants, de 56 communautés, dont une domine, les Hans, composant plus de 90% de la population.

«Les heurts sont très inquiétants pour la direction (chinoise), notamment parce qu'ils pourraient potentiellement s'étendre à d'autres minorités ayant les mêmes griefs que les Ouïghours», la principale minorité du Xinjiang,  estime Sarah McDowall, analyste de IHS Global Insight. Urumqi, la capitale régionale, est toujours sous haute surveillance près d'une semaine après des émeutes de Ouïghours ayant pris pour cibles des Hans, suivies de trois jours de troubles, durant lesquels, cette fois, des Hans étaient descendus dans la rue, munis d'armes de fortune, pour en découdre avec les Ouïghours.

Evénements terribles intervenant à peine plus d'un an après les émeutes, meurtières elles aussi, de Lhassa.

La capitale régionale tibétaine s'était embrasée le 14 mars 2008, après plusieurs jours de manifestations pacifiques. Lors de ces émeutes, des groupes de jeunes tibétains s'étaient lancés dans des «chasses aux Han», selon les témoignages de touristes étrangers alors recueillis par l'AFP.

«Le gouvernement a des problèmes sérieux. Pékin doit faire face à la façon dont les minorités sont réellement traitées par les Hans, pas seulement au Xinjiang, mais partout», estime Jiang Wenran, professeur de sciences politiques à l'université d'Alberta (Canada).

Les marches occidentales de la Chine -- Xinjiang, Tibet -- sont ses défis les plus sérieux, même si des tensions peuvent exister ailleurs, comme en Mongolie intérieure, autre région autonome, dans le Nord, estime les analystes.

Tibétains et Ouïghours, principale ethnie au Xinjiang, ont le même sentiment d'êtres opprimés, dans leur culture et leur pratique religieuse, et voient leur identité menacée par la sinisation de leurs régions.

«La stratégie du gouvernement central de transfert de population vers les régions de minorités fait soupçonner que son objectif réel est en fait l'assimilation des minorités, sous la domination han», dit Mme McDowall.

Au Xinjiang, la proportion locale de Han est passée de moins de 6% en 1949 à plus de 40% aujourd'hui.

Pourtant, Pékin a aussi une politique spéciale de planning familial en faveur de ses minorités, autorisées à avoir plusieurs enfants, voire en nombre illimité, selon les cas, alors qu'un grand nombre de Hans n'ont droit qu'à un héritier.

Le gouvernement a aussi une politique de «discrimination positive» pour les candidats aux examens d'entrée à l'université issus des minorités.

Parallèlement, il a fortement investi dans ces régions de l'Ouest. Le produit intérieur brut du Xinjiang est pssé de 116,86 milliards de yuans (12,3 mds euros) en 1999, à 352,32 milliards de yuans (37 mds euros) en 2007, selon les statistiques officielles.

«Mais cela n'a pas entraîné comme prévu une élévation du niveau de vie autant chez les populations locales que chez les Hans», souligne M. Jiang.

Ailleurs aussi, la culture et le mode de vie d'autres minorités sont menacés, mais tout simplement par la modernisation.

«Toutes les minorités qui ont des modes de vie traditionnels en Chine ou ailleurs sont menacées par la modernisation et le tourisme. C'est un problème universel», relève Jean-Pierre Cabestan, professeur de Sciences politiques de la Hong Kong Baptist University.

Mais «avec les Mongols, les Tibétains et les Ouïghours sont les seules minorités qui constituent de véritables forces centrifuges. Surtout les deux dernières», ajoute-t-il.

«Ces tensions ne devraient pas miner l'autorité du parti communiste à court terme», relève Sarah McDowall. «Mais elles sont une menace croissante pour le leadership chinois, surtout en ces périodes de crise économique et de chômage en hausse», ajoute-t-elle.