Si la police armée n'a pas déserté les rues d'Urumqi, c'est sur un autre front, celui de la propagande, que les autorités chinoises se battent aujourd'hui dans la capitale régionale du Xinjiang.

Encadré par deux camions militaires, sur lesquels sont postés des membres des forces de l'ordre armés, le van qui sillonne les rues est lui équipé de haut-parleurs plutôt que de fusils d'assaut.

 

Ces haut-parleurs diffusent des messages reprenant la version officielle des émeutes ethniques du 5 juillet ayant fait au moins 192 morts, selon l'agence officielle Chine Nouvelle.

 

Partout dans le quartier ouïgour, la principale minorité musulmane de la région, de langue turque, des affiches appellent les citoyens à «faire leur devoir». Et «ce devoir incontournable pour les gens de toutes ethnies» consiste «à informer (les autorités) sur ceux qui sont soupçonnés d'avoir pris part aux incidents violents du 5 juillet».

 

«Ceux qui fourniront des renseignements sur les suspects seront récompensés et loués», ajoutent les affichettes officielles qui promettent «des récompenses importantes» pour tout «renseignement-clef». Lieux publics, magasins, tout est bon pour diffuser les messages d'après violence. Les fans de «Harry Potter et le prince de sang-mêlé», projeté sur les écrans du Cinéma du Peuple cette semaine, ont ainsi été accueillis par une grande bannière rouge: «Contre la Séparation, Protégeons l'Unité.»

 

Dans la vitrine d'un magasin d'articles de sport, les visages des stars du championnat de basket américain de la NBA, Shaquille O'Neal et Baron Davies, ont été barrés d'une banderole similaire plaidant pour «Le Renforcement de l'Unité Nationale». Ces appels sont relayés par les journaux officiels qui, selon une pratique répandue en Chine, sont offerts à la lecture publique, affichés dans des vitrines le long des rues, près du marché oriental de la ville.

 

Dans ces vitrines aussi, des communiqués officiels, dont beaucoup promettent la clémence aux émeutiers qui se rendraient aux forces de l'ordre.

 

Dans les jours ayant suivi les violences, les autorités avaient fait larguer des tracts par hélicoptères, pour accuser la dissidente ouïgoure en exil Rebiya Kadeer d'avoir fomenté les émeutes.

 

Le nom de Mme Kadeer revient dans les messages diffusés en ouïghour par les camions officiels. Sa photographie, en compagnie d'un autre «séparatiste» aux yeux de Pékin, le dalaï lama, chef spirituel des Tibétains en exil, s'étale dans les journaux. Un peu plus de quinze mois après les émeutes de Lhassa orchestrées, selon Pékin, par «la clique du dalaï lama», Urumqi a connu une flambée de violence similaire, sur fond de récriminations identiques. Les 8,3 millions de Ouïgours du Xinjiang dénoncent la sinisation de leur région et disent faire l'objet de répression et discrimination, alors que le gouvernement central estime leur apporter le développement économique.

 

Non loin de l'endroit où deux Ouïgours armés de couteaux ont été tués lundi par les forces de sécurité, un avertissement a été apposé en grandes lettres jaunes sur fond rouge: «Le plus grand danger auquel est confronté le Xinjiang est le séparatisme et la criminalité». Mais l'afflux de messages laisse certains Ouïgours indifférents. «Les Ouïgours n'écoutent pas. Je ne sais pas pourquoi ils diffusent ça en boucle. Sûrement parce que leurs dirigeants leur ont dit de le faire», estime un commerçant qui requiert l'anonymat. D'autres les prennent comme des provocations. «Le Xinjiang et la Chine ne sont pas un et nous ne voulons pas qu'ils le soient», dit un deuxième négociant. On est loin de l'ambiance affichée par une autre bannière déployée dans ce quartier: «Sécurité nationale, développement économique, stabilité sociale, les gens sont heureux».