Lorsque Mayuko Nakamura a annoncé sa grossesse à son employeur, il lui a montré la porte. Un cas révélateur du défi posé au gouvernement japonais: lever les obstacles dissuadant les femmes d'enfanter afin de redresser une natalité catastrophique.

«La direction des ressources humaines m'a demandé de signer une lettre de démission pour «motif personnel», raconte cette ancienne employée en CDD d'une grande maison d'édition de Tokyo. Après s'être exécutée sous la pression, elle n'a eu droit à aucune indemnité.

Confrontées à ce genre de problèmes, les Japonaises s'inquiètent du manque de soutiens apportés aux mères et accouchent peu depuis les années 1970.

Le taux de fécondité, bloqué à 1,37 enfant par femme en 2008, menace de faire chuter de 127 à 95 millions la population du Japon d'ici 2050 et le nouveau premier ministre de centre-gauche, Yukio Hatoyama, a fait de l'augmentation des naissances une priorité.

Symboliquement, il a confié un secrétariat d'État à la Démographie et à l'Égalité des genres à Mizuho Fukushima, une avocate féministe qui dirige le Parti Social-Démocrate.

«Malheureusement, 70% des jeunes mères quittent leur emploi. Nous voulons qu'elles puissent continuer à travailler», explique Mme Fukushima lors d'un entretien à l'AFP.

Les autorités veulent créer des places en crèche et encourager les congés de maternité, poursuivant la politique timidement initiée par les gouvernements conservateurs.

Traditionaliste, la mentalité japonaise évolue: seuls 23% des Nippons jugeaient souhaitable qu'une mère travaille en 1992, un taux monté à 43% en 2007, selon les enquêtes officielles.

Le culte de l'homme au travail a toutefois la vie dure et un trentenaire sur cinq travaille plus de 60 heures par semaine. Une femme active sait qu'elle devra s'occuper seule de sa progéniture en rentrant à la maison, ce qui en dissuade certaines sur le chemin de la maternité, sans compter la pauvre vie sexuelle des salariés débordés... qui réduit dès le départ les chances de grossesse.

«Travail, longs temps de transport, les gens sont fatigués le soir», reconnaît Mme Fukushima. «Nous devons réguler le temps de travail pour que les hommes puissent participer aux tâches domestiques.»

Un congé de paternité a été créé il y a quelques années mais n'était pris en 2008 que par... 1,2% des pères. La secrétaire d'État veut promouvoir ce système, mal connu selon elle.

Mises bout à bout, les réformes récentes ont contribué à un frémissement du taux de fécondité qui avait touché un plus bas en 2005, à 1,26 enfant par femme.

Mais pour la sociologue Yuko Kawanishi, le travail n'est qu'un aspect du problème. «La principale raison est que les gens se marient de plus en plus tard, voire pas du tout, et qu'il est très rare d'enfanter hors mariage», explique-t-elle.

Seuls 3% des bébés sont dans ce cas au Japon, contre plus de 50% en France et près de 40% aux États-Unis. En cause: la discrimination dont souffrent ces enfants qui ne reçoivent, par exemple, que la moitié de l'héritage attribué à leurs frères et soeurs «légitimes».

«Nous comptons réformer le code civil» pour arrêter cette ségrégation, promet Mme Fukushima, afin d'encourager les concubins à enfanter.

Le gouvernement a promis en outre de créer une allocation familiale de 26.000 yens (200 euros) par mois et par enfant jusqu'à sa sortie du collège, afin de rassurer les parents potentiels qui renonceraient face à l'ampleur des dépenses.

«Ainsi, nous pourrons créer une société où avoir un enfant ne sera plus considéré comme un handicap», espère Mme Fukushima.