La Chine a jugé l'argument irrecevable, pourtant Akmal Shaikh, le Britannique exécuté mardi, était un homme psychiquement malade qui voulait sauver le monde avec un lapin, selon des témoignages concordants recueillis par l'organisation Reprieve.

Il a été exécuté pour trafic de drogue, la Chine ayant rejeté les appels de ceux qui arguaient qu'il souffrait de troubles maniaco-dépressifs accompagnés de délires.

Ce Londonien de 53 ans arrivé de Chine après une errance en Pologne était obsédé par l'idée de faire une carrière internationale avec une chanson évoquant un lapin et censée apporter la paix au monde, selon Reprieve.

Cette association de soutien juridique, installée à Londres et qui a pris son affaire en charge, a cité des témoignages de personnes attestant toutes de ses problèmes psychiques.

Sa chanson «Come little Rabbit» (Viens petit lapin), qu'il avait enregistrée en Pologne et qu'on peut écouter sur YouTube, offre un témoignage posthume pathétique de la déconnexion de Shaikh de la réalité.

«Viens petit lapin, viens me voir, un seul peuple, un seul monde, un seul Dieu», chantait d'une voix très discordante ce père de trois enfants qui aurait, selon le Guardian, commencé à dériver après l'échec de son mariage en 2001.

«Quand il est allé en Pologne, il n'avait plus aucun soutien familial et sa maladie mentale s'est aggravée», a écrit son frère Akbar dans une lettre à l'ambassadeur de Chine.

Son comportement est devenu «étrange», «il a essayé de lancer une compagnie aérienne».

Deux Britanniques, Paul Newberry et Gareth Saunders, ont expliqué à Reprieve avoir aidé leur compatriote à enregistrer sa chanson à Varsovie où il vivait sans emploi ni domicile fixe et avoir été convaincus de ses problèmes mentaux.

Pour Paul Newberry, c'était un homme «très, très malade».

«J'ai immédiatement compris qu'Akmal était malade mental, bien que ce soit quelqu'un de très sympathique, aimable et très ouvert».

«Il souffait clairement de crises de délire et il m'a semblé qu'il était gravement maniaco-dépressif», a-t-il confié à Reprieve.

«Il vivait dans un monde d'illusions, on avait du mal à savoir ce qui était imaginé et ce qui était la réalité quand il parlait», ajoute-t-il.

L'autre Britannique, un enseignant et musicien, Gareth Saunders, a dit à Shaikh que sa chanson était «épouvantable», mais celui-ci était persuadé qu'elle «était ce que le monde attendait».

«Je ne suis pas un expert médical, mais il était très clair qu'il délirait. Il pensait toujours que les choses allaient marcher d'une manière qui était déconnectée de la réalité. Il pensait que ses plans grandioses seraient mis en oeuvre, nous pensions tous les contraire».

Pour ce témoin, Shaikh -- un ancien chauffeur de taxi, selon la presse britannique -- «recherchait tant le contact humain qu'il aurait été facile (...) pour quelqu'un de l'exploiter».

Sa famille assure qu'il a été abusé par des trafiquants de drogue qui lui ont donné la valise remplie de quatre kilos d'héroïne qui l'a conduit mardi devant un peloton d'exécution chinois.

Un photographe espagnol a livré à Reprieve un autre témoignage corroborant la maladie de Shaikh, qu'il a connu pendant une année en Pologne.

«Il était clair que c'était un malade mental. Il m'a raconté toute sorte de choses dingues. Je ne savais pas ce que je devais croire ou ne pas croire».

«Il était obsédé par l'idée que sa chanson allait (...) permettre de réaliser de grandes choses», a déclaré Luiz Belmonte Diaz.

Shaikh ne chante plus, il a été exécuté mardi matin au Xinjiang.

«L'enquête de la Cour montre que rien ne permet de soupçonner une maladie mentale chez Akmal, en conséquence la demande (de grâce) n'est pas acceptable», a jugé la Cour suprême.