L'opposante birmane Aung San Suu Kyi a dénoncé jeudi une loi électorale «injuste», après la décision de la junte de forcer son parti à l'expulser de ses instances, à l'approche des premières élections dans le pays depuis 20 ans.

«Elle ne pensait pas qu'une loi aussi répressive serait promulguée», a indiqué Nyan Win, avocat et porte-parole de la Ligue nationale pour la démocratie (LND), qui s'est entretenu avec Mme Suu Kyi à son domicile.

La prix Nobel de la paix a indiqué que «non seulement elle, mais aussi le peuple et les forces politiques devaient répondre ensemble à une loi aussi injuste», a-t-il expliqué.

La junte du généralissime Than Shwe s'est attiré les foudres de la communauté internationale depuis lundi en promulguant une série de lois qui lui donnent un contrôle absolu du processus politique menant aux élections, et selon lesquelles les détenus n'ont pas le droit d'appartenir à un parti.

Cette mesure, qui a provoqué les protestations les plus vives de la communauté internationale, oblige la LND à exclure Mme Suu Kyi, puisqu'elle purge actuellement une peine de 18 mois de résidence surveillée. À défaut d'obéir à cette loi, le premier parti de l'opposition serait dissous.

«La loi devrait être écrite pour la majorité du peuple. Si elle est faite pour une seule personne, bonne ou mauvaise, elle n'a pas de dignité,» a encore indiqué Mme Suu Kyi, citée par son avocat.

Jeudi, la junte birmane a nommé les 17 membres de la commission électorale, sans faire mystère de sa volonté de contrôler entièrement le processus.

Elle a aussi publié une loi qui annule les élections de 1990, remportées brillamment par la LND mais que les militaires n'avaient jamais accepté de reconnaître.

«Le résultat des élections démocratiques pluripartites, tenues en vertu d'une loi qui a été supprimée, est automatiquement aboli car il n'est pas en accord avec la constitution», précise le texte.

Seule surprise en faveur de l'opposition, la junte a autorisé la LND à rouvrir ses 300 bureaux de province, fermés il y a sept ans après l'attaque d'un convoi emmené par Mme Suu Kyi, par des hommes de main du régime.

«L'armée a retenu les leçons de l'échec (de 1990) et a soigneusement préparé ces élections», a relevé Toshihiro Kudo, un expert de la Birmanie à l'Institut des économies en développement de Chiba (Japon).

«Les élections de 2010 étaient prévues et seront organisées sans avoir été influencées ni par la pression de la communauté internationale, ni par l'opposition intérieure, ni par le désir du peuple d'obtenir la démocratie», a-t-il ajouté.

«C'est la décision des généraux et de Than Shwe en particulier, et elle est probablement destinée à servir une stratégie de survie».

La commission électorale devrait notamment avoir la responsabilité d'annoncer une date pour un scrutin que la communauté internationale rejette d'ores et déjà mais qui pourrait avoir lieu en octobre ou novembre.

«Les indications disponibles jusqu'à présent suggèrent que (les lois) ne sont pas à la hauteur des attentes», a estimé le chef de l'ONU Ban Ki-moon tandis que Washington dénonçait une «parodie de démocratie» qui va «dénuer les prochaines élections de toute crédibilité».

En Asie, les Philippines, partenaires de la Birmanie au sein de l'Association des nations d'Asie du Sud-Est (Asean), ont qualifié le scrutin de «vaste farce en contradiction avec leur feuille de route vers la démocratie» si la «Dame» de Rangoun n'était pas libérée.

L'Inde et la Chine, alliées solides des généraux, ont évité toute critique. Pékin a évoqué les «affaires intérieures» de la Birmanie, quand New Delhi se contentait d'en appeler à un «processus de réconciliation (...) non discriminatoire».