Les «chemises rouges», décidées à obtenir la chute du Premier ministre thaïlandais, devaient répandre mardi devant le siège du gouvernement des litres de leur propre sang, dans l'espoir de symboliser le «sacrifice» d'un peuple qu'ils disent négligé par les élites du pays.

Plusieurs milliers de manifestants favorables à l'ex-Premier ministre en exil Thaksin Shinawatra ont fait la queue dès les premières chaleurs du matin pour donner leur sang. Vers 16h, les litres d'hémoglobine devaient être versés sur le sol et les portes du siège du pouvoir exécutif.

«Ce sang est une offrande sacrificielle, pour montrer notre amour de la Nation, pour montrer notre sincérité», a proclamé Veera Musikapong, un des leaders du mouvement.

«Nous sommes en lutte», a renchéri Nattawut Saikur, un autre leader des «rouges». «Si (le Premier ministre) Abhisit (Vejjajiva) s'entête, même s'il n'a pas de sang sur les mains, il en aura sur les pieds».

Les «rouges», qui étaient un maximum de 100 000 dimanche soir selon une source proche du gouvernement, veulent avant tout la tête d'Abhisit. Venus majoritairement des zones rurales du nord et du nord-est du pays, ils jugent illégitime le diplômé d'Oxford, arrivé au pouvoir fin 2008 par un jeu de renversements d'alliances parlementaires.

Ils promettent de rester à Bangkok jusqu'à la convocation d'élections anticipées. Le Vice-Premier ministre, Suthep Thaugsuban, a estimé mardi que le mouvement pourrait encore durer six ou sept jours.

Mais Abhisit, 45 ans, refuse de démissionner. «Une dissolution du parlement ne peut se faire que si elle permet au pays d'aller de l'avant», a-t-il déclaré mardi. «Aucune décision ne peut être prise entre le gouvernement et les manifestants car elle concerne le pays tout entier».

Le Parlement thaïlandais a ajourné mardi sa session faute d'avoir pu réunir le nombre minimum de députés et de sénateurs, dont plus des trois-quarts ont renoncé à se déplacer pour des questions de sécurité.

Les «rouges» manifestent deux semaines après une décision de la justice de saisir plus de la moitié de la fortune de Thaksin, jugé coupable notamment d'abus de pouvoir lorsqu'il était à la tête du gouvernement. L'homme d'affaires a été renversé en 2006 par un coup d'Etat, et serait actuellement au Monténégro.

Les manifestations sont les plus importantes depuis celles d'avril 2009, qui avaient fait deux morts et de nombreux blessés. Mais le mouvement ne s'est pour l'instant pas départi d'une certaine jovialité.

Seuls deux soldats ont été blessés lundi dans l'explosion de grenades à l'intérieur d'un régiment de l'armée, sans qu'un lien direct ne soit établi avec les manifestants.

Le gouvernement a mobilisé quelque 50 000 membres des forces de l'ordre dans et autour de la capitale, et s'est retranché avec l'état-major militaire au sein du 11e régiment d'infanterie.

Lundi soir, le ministre de la Santé Jurin Laksanawisit avait exprimé des réserves de santé publique sur cette spectaculaire opération. «C'est un avertissement sanitaire, pas politique», avait-il ajouté.

Mais les responsables du mouvement ont affirmé que 60.000 seringues neuves seraient utilisées. «Tous ceux qui font les prélèvements sont des médecins, des infirmières ou des personnes qualifiées venues des hôpitaux privés ou publics», a affirmé Veera.

La société thaïlandaise est profondément divisée entre les populations rurales, pro-Thaksin, et les élites traditionnelles de la capitale - palais royal, hauts-fonctionnaires, militaires - qui lui reprochent son populisme, son affairisme et la menace qu'il représente selon elles contre la monarchie.