L'Inde entame jeudi le recensement de sa population de plus d'un milliard d'habitants, une tâche faramineuse à laquelle vont s'employer pas moins de 2,5 millions de fonctionnaires pour réactualiser des données vieilles de dix ans dans un pays immense et chaotique.

L'exercice n'est pas sans difficultés: il va leur falloir couvrir une vaste zone géographique, pénétrer dans des territoires soumis à la guérilla maoïste et à des mouvements séparatistes, faire face à l'illettrisme et à une large diversité de cultures et de langues.

«Le recensement est un moyen objectif d'évaluer tous les dix ans si les programmes gouvernementaux remplissent leurs missions et de prévoir les programmes futurs», résume pour l'AFP le responsable de l'opération, C. Chandramouli.

En plus du comptage des habitants du deuxième pays le plus peuplé au monde après la Chine, les fonctionnaires vont devoir recueillir pour la première fois les données biométriques de chaque citoyen pour le nouveau registre national qui vise à attribuer à chacun un numéro d'identité.

«C'est aussi un défi de faire en sorte que 2,5 millions de représentants du gouvernement fédéral exécutent les instructions que nous leur avons données sans faire d'erreur», souligne M. Chandramouli.

Les fonctionnaires devront prendre les empreintes digitales et les photos d'identité de chaque habitant pour le nouveau registre, une démarche qualifiée par le ministre de l'Intérieur P. Chidambaram «de plus gros travail (...) depuis la création de l'humanité».

Le recensement prendra en compte «les attributs personnels» de chacun, tels la nationalité, la situation maritale mais aussi les détails permettant d'évaluer la proportion de détenteurs de comptes en banque et d'utilisateurs de téléphones portables.

Le recensement et la collecte de données biométriques devraient durer onze mois, user 11,63 millions de tonnes de papier et coûter 60 milliards de roupies (1,25 milliard de dollars).

«L'Inde fait son recensement depuis 1872. Rien, ni les inondations, ni les sécheresses, ni même les guerres, ne l'a empêchée de le faire», précise M. Chandramouli.

La présidente de l'Inde, Pratibha Patil, a été la première jeudi à apposer sa signature sur le registre pour la première partie du recensement, appelée «liste des domiciles».

Les représentants du gouvernement vont ensuite se déployer dans tout le pays pour se concentrer sur cette liste qui devra enregistrer des détails tels que les matériaux utilisés ou l'existence d'électricité et d'eau dans la maison.

Le comptage physique de la population sera effectué entre le 9 et le 28 février l'an prochain. Le recensement sera terminé mi 2011.

Comme il n'est pas question de recommencer deux fois l'exercice, les fonctionnaires seront munis de cartes satellitaires des 608.786 villages du pays. Lors du dernier recensement en 2001, le gouvernement avait reconnu une marge d'erreur de 2,3%.

«J'ai recommandé aux fonctionnaires de s'assurer d'enregistrer les femmes, les personnes âgées, les handicapés, les communautés nomades et les migrants, souvent non pris en compte», a insisté M. Chandramouli.

Pour Ashish Bose, professeur à la retraite du département d'Etudes sur les populations indienne et asiatique à l'université de New Delhi, les meilleurs efforts n'empêcheront pas les erreurs car «les gens non éduqués ne connaissent pas exactement leur âge».

Selon un professeur de démographie à l'Institut Tata en sciences sociales de Bombay, S. Parasuraman, le nouveau registre national sur la population sera précieux pour les autorités, notamment en cas de catastrophe.