Les dirigeants de l'opposition au Kirghizistan ont annoncé mercredi la chute du gouvernement, après de violents affrontements entre police et opposants qui ont fait des dizaines de morts et provoqué la fuite du président de ce pays d'Asie centrale, Kourmanbek Bakiev.

M. Bakiev, 60 ans, dont l'opposition réclamait le départ, a décollé vers 20h00 locales de l'aéroport Manas, au nord de la capitale Bichkek, à destination d'Osh, ville du sud du pays.

«Bakiev est parti pour Osh, sur l'insistance de ministres-clés et (des responsables) de sa sécurité», a indiqué à l'AFP un membre du ministère de la Défense, ce qu'a confirmé la municipalité d'Osh.

Son Premier ministre, Daniar Oussenov, a lui «remis une lettre de démission», après des négociations avec l'un des chefs de l'opposition, Temir Sariev, a annoncé ce dernier à la radio kirghize Azattyk.

Dans la foulée, l'opposition a formé son «propre gouvernement», avec à sa tête l'ex-ministre des Affaires étrangères, Rosa Otounbaïeva, a ajouté M. Sariev.

«Le pouvoir est désormais dans les mains du gouvernement du peuple», a déclaré Mme Otounbaïeva à la radio, «des responsables ont été nommées et travaillent déjà à normaliser la situation».

Le pouvoir est tombé après que des centaines de manifestants ont pris d'assaut le Parlement et la présidence à Bichkek, lors d'affrontements qui ont fait au moins 47 morts et 400 blessés, selon un responsable du ministère de la Santé, qui redoutait que ce bilan ne s'alourdisse.

«Près de 100 personnes ont été tuées dans les troubles» dans le pays, a de son côté déclaré l'un des leaders de l'opposition, Omourbek Tekebaïev, à la télévision publique, saisie par les manifestants.

Le siège du parquet général a été incendié, a constaté un journaliste de l'AFP.

Les premiers incidents avaient éclaté lorsque la police a tenté en vain de disperser les manifestants rassemblés près du siège de l'opposition.

A la suite de violents affrontements, les autorités avaient décrété l'état d'urgence et imposé un «couvre-feu». La situation a ensuite dégénéré lorsque les forces de sécurité ont ouvert le feu et utilisé des gaz lacrymogènes et grenades assourdissantes contre les manifestants.

Le président Bakiev, lui-même arrivé au pouvoir par une révolution en mars 2005, était critiqué pour sa dérive autoritaire et son népotisme.

A Bichkek, son domicile a été pillé et incendié par des inconnus qui en sont ressortis avec de gros sacs en plastique remplis de vêtements, de draps et de vaisselle, selon un correspondant de l'agence Interfax sur place.

Et l'incertitude régnait sur le sort du ministre de l'Intérieur, Moldomoussa Kongantiev. Une source au ministère, des médias indépendants et des ONG assuraient qu'il avait été tué à Talas (nord-ouest) lors de heurts, mais un porte-parole du ministère a démenti.

La Russie et les Etats-Unis, qui ont chacun une base militaire dans l'ex-république soviétique, ont appelé au calme.

Washington s'est dit mercredi «très préoccupé» et a déploré les violences à Bichkek.

L'aéroport Manas, où Washington dispose d'une base aérienne clé pour ses opérations en Afghanistan, par laquelle transitent notamment la plupart de ses soldats déployés sur ce terrain, a été fermé vers 20h00 locales, a indiqué un responsable militaire américain.

De son côté, le Premier ministre russe, Vladimir Poutine, a assuré que la Russie n'avait «aucun lien» avec les affrontements, le président russe Dmitri Medvedev qualifiant la situation «d'affaire interne au Kirghizistan».

La chef de la diplomatie de l'UE, Catherine Ashton, s'est déclarée très inquiète et a appelé gouvernement et opposition kirghizes à la «retenue» et au dialogue.

Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a lancé un nouvel appel «pressant au dialogue et au calme, afin d'éviter de nouvelles effusions» de sang.