Séoul a suspendu lundi ses échanges commerciaux avec Pyongyang en représailles au torpillage d'un de ses navires de guerre fin mars. La Corée du Sud souhaite également un renforcement des sanctions de l'ONU, mais les Etats-Unis estiment que la Chine, grande alliée de la Corée du Nord et détentrice d'un droit de veto au Conseil de sécurité, n'y est pas prête pour le moment.

Une enquête internationale a conclu la semaine dernière qu'un sous-marin nord-coréen avait tiré la torpille à l'origine du naufrage de la corvette «Cheochan» et de la mort de 46 de ses marins le 26 mars, près de la frontière maritime contestée en mer Jaune. Pyongyang nie toute implication et a menacé, fidèle à sa rhétorique belliqueuse, d'une «guerre totale» en cas de représailles.

Mais pour le président sud-coréen Lee Myung-bak, cette attaque marque «un tournant» dans l'histoire récente de la péninsule, toujours techniquement en guerre dans la mesure où le conflit de 1950-53 s'est terminé par une simple trêve. Aucun traité de paix n'a été signé depuis et 28 500 soldats américains restent stationnés côté sud.

Le torpillage du «Cheochan» est la pire perte militaire depuis la guerre de Corée, mais Séoul tient le régime communiste de Pyongyang pour responsable d'autres agressions, notamment l'attaque d'une délégation présidentielle qui avait fait 21 morts en 1983 et un attentat contre un avion de ligne, dans lequel 115 personnes avaient péri en 1987.

«Nous avons toujours toléré la brutalité de la Corée du Nord, encore et encore (...), parce que nous recherchions véritablement la paix pour la péninsule coréenne. Mais maintenant les choses sont différentes. La Corée du Nord va payer le prix de ses provocations», a prévenu le président Lee, qui exige des excuses.

Il a interdit le passage de cargos nord-coréens dans ses eaux et suspendu les échanges commerciaux. Or le Sud est le deuxième partenaire commercial du Nord, après la Chine. Ces sanctions devraient coûter environ 200 millions de dollars (161,5 millions d'euros) par an à Pyongyang, mais le régime communiste devrait compenser ses pertes en se tournant vers des partenaires chinois, estime Lim Eul-chul, expert nord-coréen à l'université sud-coréenne de Kyungnam. La principale source d'échanges commerciaux entre les deux Corée, la zone industrielle commune de Kaesong, située à la frontière côté nord, reste ouverte.

Les Etats-Unis, qui disposent comme Pékin (et Londres, Paris et Moscou) d'un droit de veto au Conseil de sécurité des Nations unies, ont apporté leur «soutien sans équivoque» à Séoul. Le président Barack Obama «a donné ordre à ses commandants militaires de se coordonner étroitement avec leurs homologues sud-coréens pour s'assurer d'être prêts et dissuader (la Corée du Nord de) toute agression future», a fait savoir la Maison Blanche.

La secrétaire d'Etat américaine, Hillary Rodham Clinton, qui se trouvait à Pékin lundi et devait se rendre à Séoul mercredi, a jugé la situation sécuritaire de la péninsule «hautement précaire». Mais elle ne s'est pas avancée sur un éventuel durcissement du régime de sanctions frappant déjà Pyongyang en raison de la poursuite de son programme nucléaire militaire. Avec la Corée du Sud et ses voisins, dont la Chine, «nous travaillons d'arrache-pied pour éviter une escalade belliqueuse et des provocations», a-t-elle affirmé.

Le ministre sud-coréen de la Défense, Kim Tae-young, a déclaré que la Corée du Sud et les Etats-Unis participeraient bientôt ensemble à des exercices militaires anti-sous-marins. L'armée sud-coréenne va aussi recommencer à utiliser des haut-parleurs pour hurler la propagande contre le Nord par-dessus la frontière, pratique qu'elle avait abandonnée en 2004 pendant le réchauffement entre les deux Corée, selon des responsables à Séoul.

Pyongyang conteste la légalité de la frontière maritime tracée par l'ONU à la fin de la guerre de Corée et cette limite a donné lieu à trois incidents meurtriers depuis la trêve, le dernier remontant à novembre dernier. Le régime de Kim Jong Il nie toujours être l'auteur des attaques et promet la guerre à Séoul et Washington.

Lundi encore, le principal journal nord-coréen, «Rodong Sinmun», a qualifié les conclusions de l'enquête internationale sur le Cheochan de «provocation grave, intolérable», équivalant à une déclaration de guerre, et l'armée a déclaré qu'elle tirerait si des haut-parleurs étaient installés dans la zone démilitarisée (DMZ) qui sépare les deux pays.