La justice indienne a condamné lundi à deux ans de prison les anciens dirigeants locaux d'une usine de pesticides de Bhopal d'où s'était échappé en 1984 un nuage de gaz toxique, faisant des dizaines de milliers de morts dans le pire accident de l'histoire industrielle.

Il s'agit des premières condamnations plus de 25 après la catastrophe qui a fait plus de 25 000 morts et plus de 100 000 malades dans le centre de l'Inde.

Huit personnes ont été jugées coupables de «mort par négligence», dont Keshub Mahindra, ancien président de la branche indienne du groupe américain Union Carbide, propriétaire de l'usine d'où s'était échappé le gaz mortel. Il est aujourd'hui le président du constructeur automobile Mahindra et Mahindra.

Plusieurs cadres supérieurs indiens ont également été condamnés, dont le directeur général, le directeur de production et le responsable du site.

Selon une source judiciaire, le tribunal de Bhopal a condamné ces coupables à deux ans d'emprisonnement et une amende de 100 000 roupies (2 100 dollars). Union Carbide a en outre été condamné à une amende de 10 000 dollars.

Ils ont été laissés libres sous caution et devraient interjeter appel.

L'Américain Warren Anderson, alors PDG d'Union Carbide, figurait parmi les accusés, mais il n'a pas été nommé lors du verdict après que la cour l'eut déclaré «en fuite».

Les cadres dirigeants avaient été accusés d'homicide en 1987 mais, à l'indignation des survivants, les chefs d'accusation avaient été réduits en 1996 à celui de «mort par négligence» avec une peine de prison maximale de deux ans.

«Même avec ce jugement de culpabilité, que signifie deux ans de peine de prison?», s'est interrogé auprès de l'AFP Sadhna Karnik, membre d'une association de victimes. «Ils vont pouvoir faire appel auprès de plus hautes juridictions», a-t-il ajouté.

À l'extérieur du tribunal, certains membres d'associations de défense des droits de l'Homme ont crié leur mécontentement après le verdict, le qualifiant d'«insulte» et regrettant le temps perdu pour rendre justice.

Le gouvernement estime que 3.500 personnes succombèrent les trois premiers jours suivant la tragédie mais, selon le Centre public de recherche médicale (ICMR), il y aurait en fait eu entre 8 000 et 10 000 morts parmi la population.

Selon Amnesty International, 22 000 à 25 000 personnes auraient en outre succombé après des années d'exposition aux déchets toxiques laissés aux abords de l'usine.

Les statistiques du gouvernement compilées après 1994 ont établi qu'au moins 100 000 personnes vivant près de l'usine, située dans l'État du Madhya Pradesh, étaient victimes de maladies chroniques, plus de 30 000 d'entre elles habitant dans des zones où les nappes phréatiques ont été contaminées.

L'américain Dow Chemical, qui a racheté Union Carbide en 1999, estime que les responsabilités ont été effacées depuis l'accord de 1989 avec le gouvernement indien pour le versement de 470 millions de dollars d'indemnisations, avec abandon de poursuites pénales.

Dans un communiqué diffusé à l'occasion du 25e anniversaire de la tragédie en décembre dernier, il avait jugé que cet accord avait résolu toutes les revendications «présentes et à venir» contre le groupe.

Le groupe juge qu'Union Carbide «a fait tout ce qu'elle a pu pour aider les victimes et leurs familles» et que le gouvernement devrait prendre en charge la fourniture en eau potable et les soins médicaux de la population.

Le premier ministre indien Manmohan Singh, qualifiant l'accident de tragédie «qui ronge la conscience collective», avait déclaré en décembre 2009 vouloir poursuivre les efforts pour la décontamination du site.