La Birmanie ayant libéré Aung San Suu Kyi, la Chine est désormais le seul pays au monde à détenir un lauréat du prix Nobel de la paix, mais rien n'indique qu'un prochain élargissement de Liu Xiaobo, dissident couronné le mois dernier, soit à l'ordre du jour.

La première réaction des autorités chinoises, dès l'annonce de l'octroi du Nobel au «criminel» Liu, a été de placer son épouse Liu Xia en résidence surveillée. Sa famille a ensuite indiqué avoir été empêchée de lui rendre une visite mensuelle dans sa prison du Liaoning.

Les généraux birmans, pourtant connus pour leur inflexibilité et leur détestation de «la Dame de Rangoun», ont fini par lever la semaine dernière sa longue assignation à résidence. Une nouvelle que la Chine, leur alliée, a refusé de commenter.

À Oslo, le président du comité Nobel de la paix Thorbjoern Jagland a estimé que la libération de Mme Suu Kyi était un encouragement pour tous les détenus politiques, y compris pour Liu Xiaobo.

Mais il en faudra certainement plus pour peser sur Pékin.

«J'ai du mal à imaginer que cela puisse avoir un impact», déclare Ian Holliday, à l'Université de Hong Kong.

Avant de libérer Liu «la Chine fera ses propres calculs sur sa stabilité intérieure, et elle ne se souciera pas trop de ce que pensent les États-Unis ou les autres».

Toutefois pour Jean-Philippe Béja, chercheur au Cnrs/Ceri, «la libération de l'autre Nobel augmente la pression sur la Chine», car «si la junte birmane, dont l'image internationale est exécrable, libère son prix Nobel, comment se fait-il que la Chine garde le sien en prison?»

La libération de Mme «Suu Kyi signifie que la Chine est maintenant l'unique pays à maintenir un lauréat du prix Nobel de la paix en détention», note Nicholas Bequelin, chercheur Asie à Human Rights Watch. «Il est difficile de séduire l'opinion publique internationale avec un lauréat du Nobel de la paix en prison».

Si Liu Xiaobo effectue l'intégralité de sa peine, il ne sortira pas de prison avant 2020.

«S'ils le veulent, les dirigeants chinois peuvent naturellement le libérer demain. Ils ont déjà libéré des prisonniers (de conscience) pour raisons de santé», rappelle M. Béja. «Il s'agit d'une décision politique».

Ce fut le cas pour Wang Dan, Han Dongfang, Chen Ziming - figures du 2e printemps de Pékin de 1989 - ou avant eux de Wei Jinsheng et Xu Wenli - 1er printemps de Pékin en 1979.

Liu Xiaobo a déjà dit qu'il refuserait une libération anticipée conditionnée à un exil, contrairement à Wang, Wei et Xu.

Si un élargissement de Liu «semble exclu avant la remise du prix» à Oslo, l'occasion d'un geste pourrait être fournie par des dates symboliques comme le nouvel An chinois en février ou la session annuelle de l'Assemblée nationale en mars. Dans un scénario extrêmement optimiste.

Mais «tout dépendra de la pression internationale» et «du rapport de force au sein du régime» communiste chinois, estime M. Béja, alors que se prépare l'arrivée des successeurs du président Hu Jintao et du premier ministre Wen Jiabao en 2012.

La lourdeur de la condamnation de Liu - 11 ans pour un texte appelant à la démocratie - n'avait pas fait l'unanimité au sein d'un PCC agité par des «contradictions», avec une poussée d'une aile réclamant des réformes politiques.

Pour M. Bequelin, «s'il devient trop coûteux de garder Liu en prison en termes d'image, le gouvernement sera enclin à le libérer (...) pour raison de santé».

«En 2012 une nouvelle équipe dirigeante arrivera au pouvoir, et, n'étant pas directement responsable de la décision d'envoyer Liu en prison pour 11 ans, elle pourrait chercher à se débarrasser d'un problème dont elle n'est que l'héritière», avance-t-il.

En attendant, une maigre consommation pour Liu: depuis le Nobel, il bénéficie d'une meilleure nourriture et reçoit des cigarettes.