La nouvelle génération d'avions de combat que la Chine présente fièrement cette semaine à son salon aéronautique de Zhuhai pourrait bientôt décoller d'une piste très prestigieuse: un porte-avions.

Dans l'affirmation croissante de ses ambitions sur les mers, illustrée par ses récentes frictions navales avec le Japon, Pékin manque de cette pièce maîtresse, qu'elle construit sans le dire officiellement.

Des experts militaires occidentaux pensent que le premier navire-amiral de la marine chinoise pourrait naviguer en 2011 ou 2012, même s'il ne sera pas encore complètement opérationnel.

Il s'agit d'un ex-bâtiment soviétique actuellement rénové dans le port de Dalian. Un ou plusieurs autres porte-avions, totalement fabriqués en Chine, suivront probablement.

«Le Pentagone estime que le (premier) porte-avions chinois commencera ses opérations d'ici 2015. C'est une prédiction raisonnable. La Chine pourrait alors disposer d'une escadre aérienne suffisante» pour ce bateau, explique à l'AFP Rick Fisher, de l'International Assessment and Strategy Center.

«Un avion de chasse chinois à version navalisée serait en cours de réalisation», confirme un autre spécialiste occidental.

Les Chinois «interrogent beaucoup les pays qui ont des porte-avions» et, malgré leur retard, «ils avancent», ajoute-t-il.

Pour l'Armée populaire de libération --la plus grande du monde-- avoir un porte-avions est d'abord un enjeu de «prestige», alors que des voisins tels que l'Inde ou la Thaïlande en possèdent déjà, affirme Arthur Ding, de l'Institut des relations internationales de l'université de Chengchi (Taipei).

La deuxième raison est selon lui pratique: «Les intérêts de la Chine s'étendent dans le monde, la marine chinoise a besoin d'intervenir plus loin».

Même si l'empire du Milieu a le deuxième budget de défense du monde (après les États-Unis) et qu'il est doté d'un arsenal nucléaire, sa capacité militaire demeure limitée en dehors de ses frontières. Le porte-avions est l'outil de projection de puissance par excellence.

La Chine souffre en particulier d'un problème majeur d'accès à l'océan Pacifique, verrouillé par un arc de puissances rivales: Corée du Sud, Japon, Taïwan, plus les bases américaines.

Pékin, jaloux de la suprématie navale des États-Unis, vit mal les manoeuvres organisées par Washington en mer de Chine ou en mer Jaune, des eaux qu'il considère comme sa «Mare nostrum». L'humiliation est exacerbée quand l'US Navy engage l'un de ses porte-avions dans ces exercices.

Reste que le premier porte-avions risque d'écorner l'image que la Chine veut donner d'elle-même: celle d'un pays qui s'arme uniquement pour se défendre, sans prétendre à l'hégémonie.

«La Chine redoute qu'une fois achevé, le porte-avions alimente la théorie de la 'menace chinoise'», analyse M. Ding.

«Si la sortie du porte-avions n'est pas accompagnée d'explications, cela sera considéré comme une menace», abonde un autre expert.

Pour Rick Fisher, Pékin «continuera de chercher à recouvrir sa poigne de fer du gant de velours du soft power. Mais ne nous méprenons pas: la Chine veut devenir une superpuissance mondiale capable de défendre ses intérêts politico-économiques en rehaussant son niveau militaire».

Le désir de porte-avions n'est pas cantonné en Chine à l'état-major. La population chinoise, dont le nationalisme est souvent sous-estimé en Occident, plébiscite la construction d'un bâtiment porte-étendard.

Selon un sondage aux accents patriotiques rapporté par la presse officielle, 98% des Chinois pensent qu'il est temps pour la Chine d'avoir un porte-avions et 71% estiment qu'il en faudrait au moins quatre.

«La plupart des Chinois pensent que la capacité de la marine chinoise ne correspond pas aux besoins du pays», assure à l'AFP Cui Yiliang, rédacteur en chef-adjoint du bimensuel chinois «Modern ships».