Un ancien officier supérieur de l'armée a été désigné au poste de président de la Birmanie vendredi, permettant à la junte du généralissime Than Shwe de revendiquer sa mutation en un régime civil tout en conservant le contrôle du pouvoir.

Conformément à un scénario annoncé depuis plusieurs jours et maîtrisé de bout en bout, le Premier ministre Thein Sein, 65 ans, a été promu au poste politique suprême par un comité composé de parlementaires élus lors des élections de novembre, et de militaires nommés par la junte.

«Thein Sein a été élu à la majorité des voix», a indiqué un haut responsable birman après une matinée consacrée au «vote».

Tin Aung Myint Oo, lui aussi un ex-général proche de Than Shwe, et Sai Mouk Kham, un membre de l'ethnie Shan et cadre du Parti de la solidarité et du développement de l'Union (USDP, pro-junte), briguaient aussi la fonction. Ils sont devenus vice-présidents.

Trois mois après les premières élections législatives depuis vingt ans, la junte a ainsi accompli un pas décisif vers la mise en oeuvre d'une réforme constitutionnelle destinée à lui donner les attributs d'un régime civil, sans tenir compte le moins du monde des critiques de l'Occident.

Thein Sein devrait cumuler son poste actuel et sa nouvelle fonction, selon des sources birmanes. Il doit former dans les semaines à venir un nouveau gouvernement. En avril 2010, il avait fait partie des premiers officiers à quitter l'armée pour prendre la tête de l'USDP et se présenter aux élections.

Aujourd'hui, les postes-clés du nouveau régime, y compris les présidents des chambres haute et basse du parlement et la direction de l'USDP, sont entre les mains de fidèles de Than Shwe.

«Les critères de promotion au sein de la dictature militaire, c'est la loyauté sans réserve, l'intolérance à l'égard de la dissidence et l'absence de pitié», a estimé Maung Zarni, farouche opposant et chercheur à la London School of Economics.

Thein Sein est lui-même un fidèle de Than Shwe. Il a supervisé la rédaction de la Constitution de 2008 et la mise en oeuvre de la «feuille de route» vers une «démocratie disciplinée», un plan en sept étapes désormais quasiment toutes franchies.

«Tout se passe conformément aux besoins de Than Shwe et de sa famille», a estimé Aung Naing Oo, un chercheur exilé en Thaïlande.

Celui qui a enfermé la Birmanie dans un profond isolement international et était considéré jusqu'à présent comme le seul maître du pays «aura confiance dans le système qu'il a créé et dans les gens qu'il a mis en place».

Reste une inconnue. Au pouvoir depuis 1992, l'homme décrit comme unanimement détesté en Birmanie, âge de 77 ans, n'est semble-t-il pas disposé à s'effacer.

Des sources birmanes ont assuré qu'il prendrait sa retraite. Mais les analystes affirment qu'après avoir fait régner la terreur dans le pays pendant presque deux décennies, il devra conserver une fonction, même de second plan, afin d'éviter toute vengeance et d'assurer sa sécurité et celle de son clan.

Quant à l'opposante Aung San Suu Kyi, complètement exclue du processus et qui n'a été libérée de résidence surveillée qu'après le scrutin de novembre, son parti est aujourd'hui dissous.

Elle a indiqué le week-end dernier n'espérer aucune réforme significative. Mais certains observateurs jugeaient tout de même inévitable que des changements s'opèrent dans les mois ou années à venir.

«Quand vous êtes dans l'ombre, vous êtes globalement le larbin du chef», résume Aung Naing Oo.»Mais quand le chef partira, Thein Sein sera seul et devra prendre des décisions».