Deux kamikazes ont tué vendredi au moins 80 personnes en faisant exploser leurs bombes au milieu de cadets de la police qui partaient en permission dans le nord-ouest du Pakistan. Les talibans ont revendiqué cette «première attaque» pour venger Oussama Ben Laden.

Ces insurgés islamistes, qui ont fait allégeance à Al-Qaïda et procèdent à une campagne d'attentats extrêmement meurtrière au Pakistan, avaient promis des représailles contre Islamabad et ses forces de sécurité, qu'ils accusent de À l'aube, à Shabqadar, bourgade du nord-ouest, un kamikaze à moto a fait exploser sa bombe au moment où les cadets, qui avaient revêtu leurs habits civils, s'apprêtaient à monter dans les minibus devant les ramener chez eux pour 10 jours de permission, a expliqué à l'AFP Nisar Khan Marwat, le chef de la police du district de Charsadda.

L'attentat visait un centre d'entraînement de la Frontier Constabulary, une unité paramilitaire de la police chargée de surveiller les frontières.

Puis, au moment même où policiers et secouristes s'étaient massés pour aider les blessés, un autre kamikaze à moto a provoqué un second carnage.

«Au moins 80 personnes ont péri, 69 membres de la Frontier Constabulary, et 11 civils», a indiqué Bashir Ahmed Bilour, ministre sans portefeuille de la province de Khyber-Pakhtunkhwa, où s'est produit le drame. Plus de 140 autres personnes ont été blessées, dont une quarantaine sont entre la vie et la mort, selon des sources médicales.

«J'étais assis dans un minibus et j'attendais mes collègues», a raconté à l'AFP Ahmad Ali, un cadet blessé contacté au téléphone à l'hôpital. «J'ai entendu quelqu'un crier 'Allah Akbar !» (Dieu est le plus grand !) avant une forte explosion», se souvient-il.

«Puis, j'en ai entendu une deuxième, alors j'ai sauté du minibus, j'étais en sang», se rappelle encore Ahmad Ali.

Il s'agit de l'attentat le plus meurtrier cette année au Pakistan.

«C'est une première action pour venger le martyre d'Oussama, elle a été menée par deux de nos combattants», a déclaré au téléphone à l'AFP Ehsanullah Ehsan, porte-parole du Mouvement des Talibans du Pakistan (TTP).

«Attendez-vous à des attaques plus massives au Pakistan et en Afghanistan», a-t-il menacé.

Le TTP, qui a fait allégeance à Al-Qaïda en 2007, est le principal responsable de la vague de plus de 450 attentats, suicide pour la plupart, qui ont fait plus de 4 300 morts dans tout le pays en près de quatre ans. A l'été 2007, juste après Ben Laden en personne, le TTP avait déclaré le jihad à Islamabad pour son soutien à Washington dans sa «guerre contre le terrorisme».

Shabqadar est située aux portes des zones tribales frontalières de l'Afghanistan, bastion des talibans pakistanais et principal sanctuaire dans le monde d'Al-Qaïda. Ces zones sont aussi la base arrière des talibans afghans, notamment du réseau Haqqani, bête noire des soldats américains qui composent les deux tiers des forces internationales en Afghanistan.

Les camps d'entraînement des talibans pakistanais dans les zones tribales sont également utilisés par Al-Qaïda, qui y a formé ses kamikazes ayant ensuite perpétré des attentats ou tenté d'en commettre aux États-Unis ou en Europe, de ceux du 11 Septembre 2001, à ceux de Londres en 2005, en passant par Madrid en 2004 et Times Square à New York en 2010.

C'est d'ailleurs dans ces régions frontalières montagneuses que les experts s'attendaient depuis dix ans à trouver Ben Laden et non dans la coquette ville-garnison d'Abbottabad, à deux heures de route au nord d'Islamabad.

C'est là qu'un raid-éclair de 79 soldats d'élite américains l'a déniché et tué dans la nuit du 1er au 2 mai.

Cette opération unilatérale réalisée sous l'égide de la CIA qui dit n'avoir pas voulu avertir Islamabad de peur de fuites, a déclenché une nouvelle passe d'armes entre Washington et son allié.

Les plus hauts responsables américains demandent au Pakistan d'enquêter pour savoir comment Ben Laden a pu se terrer plusieurs années sans complicités au plus haut niveau dans une ville-garnison peuplée d'environ 10.000 militaires. Des accusations qu'Islamabad a qualifiées d'«absurdes», faisant valoir que le Pakistan est le pays qui paye le plus lourd tribut à la «guerre contre le terrorisme», avec la campagne d'attentats des affidés d'Al-Qaïda.

L'opinion publique y est très majoritairement antiaméricaine, considérant que les Etats-Unis ont «importé» leur guerre contre Al-Qaïda au Pakistan après une campagne avortée en Afghanistan.

Signes de défiance supplémentaires, Islamabad a menacé jeudi Washington de revoir sa coopération dans la lutte antiterroriste, et le numéro 2 de l'armée pakistanaise, le général Khalid Shameem Wynne, a annulé vendredi une visite prévue aux Etats-Unis «en raison du climat qui prévaut».