Au moins 24 personnes ont été tuées mercredi dans un double attentat-suicide visant un général de l'armée à Quetta, dans le sud-ouest du Pakistan, que les talibans ont revendiqué en représailles à l'arrestation récente d'un haut responsable d'Al-Qaïda dans cette ville.

Le Pakistan est en proie à une vague extrêmement sanglante d'attentats perpétrés essentiellement par les talibans alliés à Al-Qaïda, qui a tué plus de 4600 personnes ces quatre dernières années.

Un homme a d'abord fait exploser sa voiture piégée pour ouvrir une brèche dans le mur d'enceinte de la résidence du général de brigade Farrukh Shahzad, commandant adjoint des Frontier Corps (FC), une unité paramilitaire rattachée à l'armée, a expliqué à l'AFP Hamid Shakil, un officier de la police de Quetta, la capitale de la province du Baloutchistan.

Puis un kamikaze à pied a lancé deux grenades avant de faire exploser sa bombe dans l'enceinte de la résidence, endommageant considérablement la maison.

«Vingt-quatre personnes ont péri», dont l'épouse du général Shahzad, deux enfants et 11 soldats membres des FC chargés de la sécurité d'un convoi qui attendaient leur supérieur devant sa maison, a indiqué Hamid Shakil. Au moins 82 autres personnes, dont le général Shahzad et un de ses enfants, ont été blessées, a-t-il poursuivi.

Il y a une dizaine de jours, les Frontier Corps du Baloutchistan ont participé à l'arrestation de Younis al-Mauritani, le principal chef des «opérations extérieures» d'Al-Qaïda, menée par les services de renseignements de l'armée pakistanaise, l'ISI.

Ehsanullah Ehsan, le porte-parole du Mouvement des talibans du Pakistan (TTP), qui a fait allégeance à Al-Qaïda, a revendiqué le double attentat-suicide de mercredi dans un entretien téléphonique avec l'AFP, en représailles à l'arrestation d'Al-Mauritani et de deux complices.

L'armée a rendu cette arrestation publique lundi et insisté sur le fait qu'elle a été réalisée avec «l'assistance technique des services de renseignements américains».

Al-Mauritani est «un cadre important et membre de l'état-major d'Al-Qaïda, lié aux menaces récemment mises au jour visant l'Europe», a indiqué à l'AFP un responsable de services de renseignement occidentaux, sous couvert de l'anonymat.

Al-Mauritani avait été chargé «personnellement» par ben Laden «de cibler les intérêts économiques des États unis, dont des gazoducs et des oléoducs, des centrales électriques, mais aussi des pétroliers, à l'aide de bateaux rapides bourrés d'explosifs dans les eaux internationales», précisait lundi l'armée.

Cette prise a constitué un nouveau revers pour Al-Qaïda, après la mort de ben Laden, tué le 2 mai à Abbottabad, à moins de deux heures de route au nord d'Islamabad, par un commando de soldats américains héliporté clandestinement.

L'arrestation d'Al-Mauritani constitue aussi un net réchauffement des relations entre Islamabad et Washington. La Maison-Blanche avait d'ailleurs aussitôt chaudement félicité les forces de sécurité pakistanaises.

Depuis le raid d'Abbottabad, les relations entre les États-Unis et le Pakistan, leur allié-clé dans leur «guerre contre le terrorisme» depuis fin 2001, s'étaient sérieusement dégradées, en particulier entre l'ISI et la CIA, qui avaient quasiment cessé de collaborer.

De hauts responsables à Washington accusaient Islamabad -et notamment l'ISI et l'armée- de complicité pour expliquer que ben Laden ait pu se terrer plusieurs années dans une ville-garnison non loin de la capitale. Et Islamabad reprochait à Washington de ne pas l'avoir averti de ce raid héliporté nocturne, que l'armée pakistanaise et l'ISI ont vécu comme une humiliation et une brimade.

Les zones tribales du nord-ouest, mais aussi certaines dans le sud-ouest, sont le bastion des talibans pakistanais et le principal sanctuaire dans le monde d'Al-Qaïda.

À l'unisson de ben Laden en personne, les talibans avaient décrété le djihad à Islamabad pendant l'été 2007 pour son soutien à Washington, et lancé leur campagne d'attentats.