Les militants des droits de l'homme rapportent qu'elles ont déjà lieu, dans la brutalité et dans le secret, mais si le Parlement chinois les légalise dans quelques mois, les «disparitions forcées» risquent de se multiplier en Chine.

Les autorités chinoises ont récemment indiqué leur souhait de modifier la législation afin d'autoriser la détention -sans qu'aucune charge ne soit annoncée- de personnes pour une période allant jusqu'à six mois, dans des endroits secrets et non pas dans des commissariats ou des prisons.

Cette initiative a été très mal accueillie par les groupes de défense de droits de l'homme qui estiment, même si ces pratiques existent déjà, que les nouvelles lois donneraient à l'appareil sécuritaire chinois les coudées franches pour procéder à des «disparitions forcées».

Cette pratique a connu un essor à partir de février dernier lorsque le Parti communiste a craint une contagion des révoltes du monde arabe à la Chine, où circulaient des appels à un mouvement «du jasmin», inspiré par la révolte en Tunisie.

«Une légalisation des enlèvements exposerait encore davantage les personnes arrêtées au risque de torture et de mauvais traitement», explique dans un communiqué Sophie Richardson, directrice pour la Chine de l'organisation Human Rights Watch, dont le siège est à New York.

En avril, l'ONU avait exprimé son inquiétude face aux disparitions forcées de militants des droits de l'homme et avocats chinois, rappelant que «les disparitions forcées constituent un crime en droit international».

L'artiste contestataire Ai Weiwei, connu dans le monde entier, a été détenu ainsi sans charge dans un endroit secret pendant près de trois mois au printemps dernier avant d'être relâché dans l'attente des conclusions d'une enquête pour évasion fiscale.

Sa soeur a expliqué qu'il avait été enfermé dans une minuscule cellule et surveillé par deux gardiens en permanence -même sous la douche.

Autre cas célèbre, l'intellectuel dissident Liu Xiaobo, qui a reçu le prix Nobel de la paix l'an dernier, a disparu pendant plus d'un an entre les mains de la police avant d'être finalement jugé et condamné à une lourde peine de 11 ans de prison en décembre 2009.

Trois avocats de premier plan -Teng Biao, Liu Shihui et Li Tiantian- ont aussi été détenus au secret et sans charge cette année.

Teng a expliqué comment la police était arrivée chez un ami auquel il rendait visite et l'avait embarqué à bord d'une camionnette. Il avait été relâché le soir même, avant d'être de nouveau enlevé et détenu au secret pendant plus de deux mois.

Liu a expliqué, sur son compte de microblogue, que la police avait fracassé la porte de son domicile et mis sa maison à sac au milieu de la nuit, emportant ses ordinateurs avant de l'emmener dans un lieu inconnu où il a été détenu pendant 108 jours.

Ces disparitions se déroulent dans la plus grande opacité, sans mandat d'arrêt, sans explications légales et sans que la famille ne sache où la personne est amenée puis détenue.

Des interrogatoires peuvent ensuite s'étendre sur des mois, et des militants des droits de l'homme ont fait état de cas de torture.

Gao Zhisheng, avocat très célèbre, a disparu en février 2009, puis a refait surface en expliquant avoir été enlevé par la police et victime de graves tortures. On ne l'a pas revu depuis.

Si le parlement vote les amendements à la législation proposés, les lois s'appliqueront aux personnes «soupçonnées de porter atteinte à la sécurité d'État», «d'activités terroristes» ou de «corruption majeure», a indiqué l'Assemblée nationale populaire (ANP) sur son site internet.

L'ANP a appelé à un débat public, via son site, sur les amendements jusqu'à la fin septembre, et la loi pourrait être approuvée lors de la prochaine session plénière de l'assemblée, en mars 2012.

Le ministère de la Sécurité publique, comme l'ANP, a refusé de répondre aux questions de l'AFP.