Le Pakistan a accusé l'OTAN d'avoir tué 26 soldats pakistanais samedi près de la frontière afghane, la pire bavure des Occidentaux au Pakistan en dix ans, provoquant une nouvelle crise entre Islamabad et ses alliés occidentaux.

Le gouvernement pakistanais a ordonné en représailles le blocage des convois de ravitaillement de l'OTAN en Afghanistan transitant sur son territoire, après cet assaut avant l'aube dans une des zones tribales pakistanaises bordant l'Afghanistan, bastion des rebelles talibans et d'Al-Qaïda qui vont régulièrement attaquer l'OTAN sur le sol afghan.

Ni la force internationale de l'OTAN en Afghanistan (Isaf), ni les États-Unis, qui la dirigent et fournissent les deux tiers de ses troupes, n'ont démenti une éventuelle bavure.

Le premier ministre Yousuf Raza Gilani a protesté «dans les termes les plus forts» auprès de l'OTAN et des États-Unis. Il a interrompu son week-end pour revenir à Islamabad s'entretenir avec le président Asif Ali Zardari et les dirigeants de la très puissante armée, qui a dénoncé une attaque «délibérée».

Le commandant de l'Isaf, le général américain John Allen, a promis une «enquête approfondie» et adressé ses «plus sincères condoléances aux familles et proches des soldats pakistanais qui ont peut-être été tués ou blessés».

L'ambassadeur américain au Pakistan Cameron Munter a lui aussi regretté la possible «mort de soldats pakistanais» et assuré que son pays travaillerait «étroitement avec Islamabad pour enquêter sur cet incident».

Selon Islamabad, des hélicoptères de l'OTAN ont bombardé avant l'aube un poste militaire pakistanais à Baizai dans le district tribal de Khyber, frontalier de l'Afghanistan.

«Ils ont tué 26 soldats et en ont blessé 14 autres», a déclaré à l'AFP Masood Kausar, le gouverneur de Khyber Pakhtunkhwa, la province du nord-ouest du Pakistan, en rendant hommage à ces «martyrs». Un précédent bilan pakistanais faisait état d'au moins 23 morts.

Quelques heures plus tard, le Pakistan a ordonné le blocage des convois de ravitaillement de l'OTAN en Afghanistan transitant par son territoire.

Ces camions qui étaient sur le point de franchir la frontière dans le district de Khyber «ont été renvoyés à Peshawar», la principale ville du nord-ouest, a déclaré Mutahir Hussain, un responsable de l'administration de Khyber.

Le Pakistan a plusieurs fois dénoncé ces dernières années des violations de son espace aérien par l'Isaf. La dernière crise remonte à septembre dernier, lorsqu'Islamabad avait accusé la force d'avoir tué trois soldats pakistanais.

Islamabad avait alors déjà ordonné le blocage des camions de ravitaillement de l'OTAN pendant près de deux semaines, jusqu'à ce que Washington s'excuse.

La grande majorité du ravitaillement de l'OTAN en Afghanistan est acheminée par bateau à Karachi, principal port du Pakistan, puis par la route jusqu'en Afghanistan via Peshawar et la passe de Khyber.

Les zones tribales du nord-ouest sont le bastion des talibans et le principal sanctuaire d'Al-Qaïda dans le monde.

Les États-Unis les bombardent régulièrement de tirs de drones visant les rebelles, qu'Islamabad ne dénonce que mollement tant qu'ils ne tuent pas un grand nombre de civils.

Les Américains accusent régulièrement leur allié pakistanais de jouer un double jeu et de soutenir clandestinement les rebelles talibans pour défendre ses intérêts stratégiques en Afghanistan, où l'OTAN prévoit de retirer l'ensemble de ses troupes de combats d'ici à la fin 2014.

Les relations déjà houleuses entre les deux pays se sont envenimées après le raid unilatéral américain qui a permis de débusquer et tuer le chef d'Al-Qaïda Oussama Ben Laden en mai dernier à Abbottabad, une ville de garnison du nord du Pakistan.