Les tensions restaient vives lundi entre le Pakistan et les États-Unis, deux jours après la bavure de la force de l'OTAN qui a tué 24 soldats pakistanais, certains accusant ces derniers d'avoir ouvert le feu et provoqué l'incident, ce qu'Islamabad a fermement démenti.

La force de l'OTAN en Afghanistan (ISAF) comme les États-Unis, qui la dirigent, se sont efforcés depuis samedi d'arrondir les angles après qu'Islamabad a en représailles décidé de bloquer le transit sur son territoire du ravitaillement destiné aux Occidentaux en Afghanistan, vital pour eux.

Furieux de cette bavure, la pire de l'ISAF au Pakistan depuis que ce dernier s'est allié à la fin 2001 aux États-Unis et à leur «guerre contre le terrorisme» dans la région, Islamabad a également fait part aux États-Unis de sa volonté de réviser leur coopération dans la lutte antiterroriste.

Washington avait exprimé samedi ses «plus profondes condoléances» et s'était engagé à appuyer «une enquête immédiate» de l'ISAF. L'OTAN a, elle, regretté dimanche un «incident tragique» et «involontaire».

Cette affaire ravive la crise américano-pakistanaise provoquée par le raid clandestin de commandos américains qui avaient tué Oussama ben Laden le 2 mai dernier à Abbottabad, dans le nord du Pakistan.

Que s'est-il exactement passé dans la nuit de vendredi à samedi dans la zone frontalière où sont implantés les deux postes militaires pakistanais bombardés par l'OTAN? Deux jours après, les réponses se faisaient toujours attendre.

Alors qu'une enquête de l'ISAF est en cours, le journal américain Wall Street Journal, citant des responsables afghans et occidentaux anonymes, a affirmé lundi que les soldats pakistanais avaient d'abord ouvert le feu, provoquant l'attaque de l'OTAN.

Ni Kaboul, ni l'ISAF, ni Washington n'ont confirmé ces accusations.

Mais elles ont alimenté la fureur de l'armée pakistanaise, qui a enterré dimanche ses soldats en saluant des «martyrs», et considère ce bombardement de l'OTAN comme une «agression» non provoquée.

«Cela n'est pas vrai. Ils se fabriquent des excuses», a déclaré lundi à l'AFP le général Athar Abbas, son porte-parole, à propos des responsables cités par le Wall Street Journal. «Et d'ailleurs», s'il y a eu des tirs pakistanais, «quelles sont leurs pertes?», s'est-il ironiquement interrogé.

Des soldats pakistanais survivants de l'attaque, cités lundi par le quotidien britannique The Daily Telegraph, ont eux aussi affirmé avoir été victimes d'une attaque non provoquée.

Pour la troisième journée consécutive, des manifestations anti-américaines ont rassemblé quelques centaines de personnes seulement au total lundi dans plusieurs grandes villes du Pakistan, demandant au gouvernement de mettre fin à son alliance avec Washington.

La Chine, un allié-clé du Pakistan considéré comme le principal contre-poids à l'influence américaine dans la région, s'est déclarée lundi «profondément choquée» par le bombardement de l'OTAN et a réclamé une enquête.

Mais aux États-Unis, certains responsables mettaient eux la pression sur Islamabad. Plusieurs parlementaires interrogés par la chaîne de télévision Fox News ont ainsi exprimé dimanche leur frustration envers le Pakistan.

Le sénateur républicain Jon Kyl a ainsi estimé que les Pakistanais devaient davantage coopérer s'ils voulaient que Washington maintienne les milliards de dollars d'aide qu'il leur verse depuis dix ans.

Son homologue démocrate Dick Durbin a lui offert ses condoléances au Pakistan, tout en soulignant la «quadrature du cercle diplomatique» auquel son pays était confronté dans cette région «entre l'incompétence et la corruption des Afghans et des complicités pakistanaises» avec les rebelles.

Les analystes estiment toutefois que cette nouvelle crise ne devrait pas remettre en cause le mariage de raison entre Washington et Islamabad, les Américains restant soucieux de ne pas jeter de l'huile sur le feu pour ne pas risquer de voir un jour l'arsenal nucléaire pakistanais tomber aux mains d'extrémistes, et les Pakistanais souhaitant continuer à percevoir l'aide américaine.