Le directeur de la centrale nucléaire de Fukushima, Masao Yoshida, quitte son poste pour raison de santé, après huit mois au cours desquels il a eu peur de perdre le contrôle de la situation et a parfois agi de son propre chef, quitte à déplaire à sa hiérarchie.

«Je suis dans l'obligation de quitter l'équipe de résolution de crise à un moment important, sur demande pressante des médecins», a regretté l'intéressé dans un message aux travailleurs impliqués dans la gestion de la pire catastrophe nucléaire depuis l'explosion du réacteur de Tchernobyl en 1986.

Son employeur, la compagnie Tokyo Electric Power (Tepco), avec laquelle il n'a pas toujours été d'accord, a refusé de préciser la cause exacte de sa maladie afin de «protéger sa vie privée», mais les médecins n'auraient pas établi de lien avec les rayonnements, a indiqué un responsable du groupe lors d'une conférence de presse.

Lors d'un entretien accordé le 12 novembre à quelques journalistes autorisés à pénétrer pour la première fois dans l'enceinte de la centrale Fukushima Daiichi, saccagée par le séisme et le tsunami du 11 mars, M. Yoshida avait balayé d'un revers la question portant sur la dose de radiations à laquelle il a été soumis.

Durant la première semaine de l'accident en mars, avec une cascade infernale d'avaries et le risque d'un emballement, il a même plusieurs fois «cru mourir».

«J'ai eu peur de perdre le contrôle total des installations, que ce soit la fin», a-t-il confié, se remémorant les ouvriers qui revenaient blessés après l'explosion dans le réacteur 1 et la difficulté d'injecter de l'eau dans le numéro 2 à cause de la fusion du combustible, qui faisait que l'on ne savait pas ce qui allait se passer dans la seconde suivante.

En tant que directeur du site, il a failli être limogé pour avoir désobéi en cachette aux instructions du bureau du premier ministre dans les premiers jours de la catastrophe: il a poursuivi l'injection d'eau de mer dans les réacteurs pour les refroidir, alors que le gouvernement, hésitant, avait un temps ordonné une suspension.

«La décision de continuer s'est avérée tout à fait juste, mais la manière dont il a procédé et rapporté les faits demande à être examinée», indiquait en mai un directeur général adjoint de Tepco, congédié depuis.

Sur les lieux depuis la catastrophe, ce meneur d'équipe a vécu les pires moments et oeuvré dans des conditions extrêmes.

«Si certains veulent partir, je ne les arrêterai pas», a-t-il même dit un jour aux ouvriers, ne voulant pas forcer des hommes à travailler dans de telles circonstances contre leur volonté.

«Il y a des travailleurs dans la centrale qui souffrent et qui n'osent pas le dire, parce qu'ils veulent contribuer à résoudre l'accident, mais pour eux-mêmes et leurs collègues je les incite à se confier», témoignait en août un médecin affecté à Fukushima.

M. Yoshida était apparu cet été sur une vidéo, en tenue blanche de protection, présentant ses «excuses profondes» pour avoir causé des «soucis à la population».

«J'ai reçu des messages de soutien du monde entier», expliquait cet homme de 56 ans, nommé directeur de la centrale Fukushima Daiichi en juin 2010, moins d'un an avant le drame.

Entré chez Tepco en 1979, il gardera un emploi dans la division nucléaire de la compagnie d'électricité, mais sera remplacé à la tête du complexe atomique le 1er décembre par Takeshi Takahashi, 54 ans, déjà engagé dans les opérations.