Une demi-douzaine de pays asiatiques sont capables d'envoyer une fusée en orbite ou sont en voie d'y arriver. Ces programmes concurrents peuvent aussi servir à la création de missiles, voire à une militarisation de l'espace. Un politologue californien sonne l'alarme.

La course à l'espace entre les États-Unis et l'URSS est souvent vue comme une version pacifique de la rivalité de la guerre froide. Mais la course à l'espace en cours en Asie en ce début de millénaire est beaucoup plus risquée et pourrait même déstabiliser la région.

Telle est la thèse qu'expose le politologue californien James Clay Moltz dans son livre Asia's Space Race, et qu'il a résumée hier en exclusivité dans la revue Nature. « Très tôt dans la guerre froide, les États-Unis et l'URSS ont convenu de réserver l'espace à des projets civils «, explique en entrevue M. Moltz, qui enseigne à l'École d'études supérieures de la marine américaine, à Monterey. « En Europe, les pays collaborent entre eux au sein de l'Agence spatiale européenne. Mais en Asie, les pays ont choisi, pour des motifs de prestige et par méfiance, de privilégier la concurrence et de laisser libre cours à leurs activités militaires dans le domaine spatial. «

«Très inquiétant»

En 2007, la Chine a mené un test de missile antisatellite qui a beaucoup fait jaser. L'année suivante, le Japon a pour la première fois autorisé un programme spatial militaire. Et l'Inde annonce des tests de missile antisatellite pour 2014. « C'est très inquiétant, dit M. Moltz. On pourrait arriver à une catastrophe si plusieurs satellites sont détruits et que leurs débris rendent certaines orbites inutilisables. En 1962, un test nucléaire américain avait désactivé sept satellites. C'est après cela que les États-Unis et l'URSS ont promis de ne pas militariser l'espace. «

Signe de l'inquiétude que suscite cette course à l'espace asiatique, les recherches sur le syndrome de Kessler sont en vogue depuis quelque temps. Il s'agit d'une théorie d'un astrophysicien de la NASA qui, en 1978, a avancé qu'une série de collisions en chaîne entre satellites pourrait devenir impossible à maîtriser et empêcher l'humanité de quitter l'orbite terrestre pour plusieurs générations.

Les programmes antisatellites ont le vent dans les voiles notamment parce que plusieurs pays asiatiques, dont le Viêtnam, la Thaïlande et Taiwan, investissent dans des satellites-espions, alors que d'autres, comme les deux Corées et l'Indonésie, visent carrément à avoir des lanceurs nationaux capables de mettre des satellites en orbite. « Des alliances assez surprenantes encerclent la Chine, dit M. Moltz. Le programme du Vietnam est financé par le Japon, qui a investi 400 millions US dans un centre spatial à Hanoi. Israël fournit à Taiwan des satellites-espions. «