Le dirigeant nord-coréen Kim Jong-il est mort samedi d'une crise cardiaque, léguant à son fils Kim Jong-un, désigné pour sa succession, un pays doté de l'arme nucléaire, mais parmi les plus fermés au monde, et une économie moribonde, incapable de nourrir son peuple.

Kim Jong-il, dont la santé s'était rapidement dégradée après un accident cérébral en 2008, était âgé de 69 ans, selon sa biographie officielle.

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Le «Cher leader» ou «Grand leader» dirigeait d'une main de fer depuis la mort de son père, Kim Il-sung, en 1994, la République populaire démocratique de Corée (RPDC). Une dynastie communiste unique dans l'Histoire, où règnent culte exacerbé de la personnalité, censure, exécutions et internements arbitraires dans des camps considérés par les ONG comme des mouroirs de masse.

Son plus jeune fils Kim Jong-un, un homme de moins de 30 ans dont le monde entier ignorait jusqu'au visage il y a un an, a été désigné pour prendre sa succession, a annoncé l'Agence centrale de presse coréenne (KCNA), canal privilégié de la propagande nord-coréenne.

Un choix qui était attendu, mais qui plonge la communauté internationale dans l'expectative.

Les États-Unis, proche allié de la Corée du Sud où sont stationnés quelque 28 500 soldats américains, ont fait savoir qu'ils surveillaient la situation «de près», en soulignant qu'ils souhaitaient la «stabilité» dans la péninsule.

Le président américain Barack Obama, qui s'est entretenu par téléphone avec son homologue sud-coréen Lee Myung-Bak, «a réaffirmé la force de l'engagement des États-Unis pour assurer la stabilité de la péninsule coréenne et la sécurité de notre proche allié, la République coréenne», selon la Maison-Blanche.

La mort du dirigeant Kim Jong-il «pourrait être un tournant pour la Corée du Nord», a estimé de son côté le ministre britannique des Affaires étrangères William Hague.

La mort de Kim survient alors que Washington et Pyongyang avaient relancé leurs consultations directes ces derniers mois au sujet du nucléaire nord-coréen, avec parfois l'intercession de la Chine, l'un des rares soutiens du régime avec la Russie.

Moscou et Pékin ont transmis lundi leurs condoléances.

En Corée du Sud, l'armée a été placée en état d'alerte et la surveillance de la frontière ultra-sécurisée avec le Nord, le long de laquelle est stationnée une grande partie des troupes nord-coréennes, a été renforcée.

Les deux Corées restent techniquement en état de conflit armé depuis l'armistice précaire signé à l'issue de la guerre de Corée (1950-53).

Les Sud-Coréens oscillaient entre craintes et espoir lundi à Séoul. «Je reste sans voix», a déclaré à l'AFP Kwak Bo-Ram, 24 ans, employée d'une organisation non gouvernementale (ONG). «Je suis à la fois choquée et inquiète.»

«Je pense que la Corée du Nord va finalement s'ouvrir beaucoup plus tôt que prévu», espérait quant à lui un homme d'affaires, Ko Jae-Lin, 50 ans.

Le Japon, qui a occupé la péninsule coréenne dans la première moitié du 20e siècle et n'a jamais entretenu de relations diplomatiques avec Pyongyang, a présenté, contre toute attente, ses «condoléances».

Le chef de la diplomatie française, Alain Juppé, a dit lui espérer «qu'un jour le peuple de la Corée du Nord (pourrait) retrouver sa liberté», reprenant des voeux similaires formulés par Berlin et d'autres capitales dans le monde.

Promu ces dernières années à de hautes fonctions militaires et politiques, le futur leader nord-coréen, Kim Jong-un, est une énigme. Soucieux d'éviter toute vacance du pouvoir, les médias officiels ont immédiatement appelé les Nord-Coréens à le reconnaître comme leur nouveau leader.

«À l'avant-garde de la révolution coréenne se trouve à présent Kim Jong-un», a rapporté KCNA, en exhortant «tous les membres du Parti (des travailleurs, NDLR), les militaires et le peuple (...) à suivre fidèlement l'autorité du camarade Kim Jong-un».

Les dirigeants de Pyongyang voulaient se donner deux ans de plus pour préparer une transition en douceur, souhaitée par Pékin qui craint une déstabilisation du pays.

Mais ce scénario est jugé improbable par les experts. La mort de Kim Jong-il ne devrait pas entraîner de «turbulences immédiates dans la politique intérieure et les affaires étrangères du Nord», estime ainsi Paik Hak-Soon, du Sejong Institute, un «think tank» basé à Séoul.

Kim Jong-il est décédé samedi à 8h30, heure locale (le 16 décembre à 18h30, heure de Montréal) d'une crise cardiaque dans son luxueux train blindé, au cours d'une tournée d'inspection en province, selon KCNA.

Kim, dont la biographie officielle met en exergue le sacrifice de sa vie pour son pays, «a succombé à un grand épuisement mental et physique», a-t-elle souligné.

Sa mort a été annoncée à la télévision par une présentatrice en pleurs, vêtue de noir, avec en arrière-plan un paysage de forêts et de montagnes blanches, décor de légendes millénaires en Corée.

Les médias officiels ont fait état de la «tristesse indescriptible» des Nord-Coréens que la télévision d'État chinoise CCTV a montrés secoués de sanglots, couvrant leurs visages, dans les rues de la capitale plus désertes que d'habitude. «Ils n'essaient même pas de sécher leurs larmes», a relaté KCNA.

Des membres du Parti des travailleurs de Corée ont été montrés frappant du poing sur des tables, au désespoir, dans un comté de province. «Il a fait tellement de choses pour rendre nos vies meilleures et il est parti comme ça», se lamentait l'un d'eux.

La dépouille du «Cher leader» sera exposée au mausolée de Kumsusan jusqu'à ses funérailles officielles fixées au 28 décembre. Les autorités ont décrété un deuil du 17 au 29 décembre.

CAPITALE: Pyongyang

POPULATION: 23,7 millions d'habitants

PIB PAR HABITANT: 1700 $

NOMBRE DE MILITAIRES: 1 106 000

Sources: Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) et L'Express.

DATES IMPORTANTES



9 septembre 2011

Dernière apparition publique de Kim Jong-il, aux côtés de son jeune fils et dauphin Kim Jong-un, lors d'un défilé militaire.

Août 2011

Kim Jong-il se rend en Russie rencontrer le président Dimitri Medvedev. Visiblement affaibli, le leader coréen avait eu besoin d'aide pour monter un escalier.

Novembre 2010

En réponse à un exercice militaire, l'armée nord-coréenne bombarde une île de la Corée du Sud, tuant deux soldats et en blessant plusieurs.

Septembre 2010

Kim Jong-il nomme son fils «général quatre étoiles», afin de lui permettre de diriger l'armée.

Juillet 2009

La télévision câblée sud-coréenne YTN annonce que Kim Jong-il est atteint d'un cancer.

Octobre 2006

La Corée du Nord procède à son premier essai nucléaire. Un deuxième aura lieu en mai 2009.

11 février 2005

La Corée du Nord annonce pour la première fois avoir fabriqué des armes atomiques.

Décembre 2002

La Corée du Nord annonce la reprise de son programme nucléaire pour protester contre les sanctions dont fait l'objet son régime

29 janvier 2002

À la suite des attentats du 11-Septembre, le président américain inclut la Corée du Nord dans l'«axe du mal». Le programme de réunification des familles est suspendu au lendemain des attentats terroristes.

Juin 2000

Un sommet réunit les leaders des deux Corée et marque un réchauffement des relations entre la Corée du Nord et le reste du monde. Les États-Unis assouplissent leurs sanctions. Le Canada reconnaît pour la première fois la Corée du Nord et la Russie se rapproche de son ancien allié de la guerre froide. Des familles séparées depuis la guerre ayant éclaté en 1953 peuvent être réunies pour la première fois.

8 juillet 1994

Mort de Kim Il-sung qui lègue le pouvoir à son fils. Un dissident nord-coréen affirmera plus tard que Kim Jong-il était en réalité aux commandes du pays depuis 1972. Son accession au pouvoir marque un regain des tensions avec le reste du monde.

16 février 1941 ou 1942

Naissance de Kim Jong-il.

- Pierre-André Normandin