Notre journaliste est l'un des rares au Canada à avoir fait un reportage en Corée du Nord, en 2001. Il nous livre ici son analyse.

Erich Weingartner n'en croyait pas ses oreilles, hier un peu avant 23h, quand La Presse lui a appris la nouvelle. Immédiatement, il a entrevu le caractère explosif de la situation.

«La succession de Kim Jong-il était enclenchée depuis l'an dernier, mais l'oncle et la tante de l'héritier, Kim Jong-un, devaient avoir plusieurs années pour le préparer au pouvoir», explique M. Weingartner, qui est l'un des Canadiens à avoir le plus souvent séjourné en Corée du Nord. «Dans les journaux et à la télé, on voyait depuis un an les Kim père et fils ensemble. Mais on ne voyait jamais le genre d'hommage à Kim Jong-un qui semble d'usage pour le chef de ce pays.»

Le politologue ontarien visite le «Royaume ermite» depuis une quinzaine d'années, pour des missions humanitaires. Lors de son dernier séjour, il y a un an, il avait constaté des tensions nouvelles. «Le Nord venait de lancer des obus sur une île sud-coréenne. Je comprenais, des questions de mes hôtes, qu'ils soupçonnaient l'armée nord-coréenne d'avoir désobéi au parti.

«J'ai vu des signes d'une grande libéralisation économique, à tout le moins dans un pays qui partait de zéro. Une nouvelle classe marchande était apparue, et la Chine y faisait de plus en plus d'investissements. En même temps, il y avait un grand mécontentement au sein de l'élite à cause d'une dévaluation mal conduite il y a deux ans, qui avait anéanti les économies de nombreux des plus chauds partisans du régime.»

État d'alerte

Devant la période d'incertitude qui s'annonce, l'armée sud-coréenne s'est placée en état d'alerte hier soir. Le quotidien Chosun Ilbo a rapporté que l'oncle de Kim Jong-un pourrait fort bien décider de brouiller les cartes. La soeur de Kim Jong-il, Kim Kyong-hui, ainsi que son mari, Jang Song-taek, ont été promus en même temps que l'héritier, Kim Jong-un, le fils de Kim Jong-il. Les analystes s'entendent pour dire que l'oncle et la tante avaitent le mandat de l'encadrer, alors qu'il était au seuil du pouvoir. Mais le Chosun Ilbo, sur la base de documents des services secrets sud-coréens, affirme que Jang Song-taek pourrait préférer qu'un autre des fils de Kim Jong-il prenne le pouvoir.

L'influence de la Chine

Une chose est sûre, la Chine aura un grand rôle à jouer dans la succession. «L'important pour les Chinois est la stabilité, dit M. Weingartner. Ils ne veulent pas de guerre à leurs frontières ni de provocation nucléaire. Il faut voir s'ils pourront convaincre l'armée nord-coréenne de se tenir tranquille même si elle a beaucoup à perdre d'une normalisation de l'économie et de la politique étrangère du pays.»