Des milliers de Chinois qui désespèrent de pouvoir émigrer ont découvert une porte de sortie: il s'agit de suivre des cours de français et de déposer une demande d'immigration au Québec, en espérant pouvoir se débrouiller suffisamment dans cette langue.

L'apprentissage du français comme langue seconde a beau perdre du terrain dans plusieurs régions du monde, alors même que les classes de mandarin ont le vent dans les voiles en raison de la montée en puissance de la Chine sur la scène internationale, plusieurs Chinois travaillent d'arrache-pied pour apprendre à dire «Bonjour, je m'appelle Zhang».

Malgré la croissance économique de l'Empire du Milieu et de son influence grandissante, de plus en plus de ses citoyens se pressent d'émigrer afin d'offrir de meilleures perspectives d'éducation à leur enfant et fuir les problèmes récurrents de leur pays, y compris la pollution dangereuse et la nourriture contaminée.

Le Canada figue avec les États-Unis et l'Australie parmi les pays les plus en vogue en Chine.

Plusieurs gouvernements resserrent cependant les quotas d'immigration, réduisant le nombre de programmes pour travailleurs qualifiés, et augmentant le montant de l'engagement financier nécessaire pour obtenir des exemptions.

C'est là que le Québec entre en jeu, en sélectionnant lui-même ses immigrants et en n'imposant pas de limites semblables au programme canadien. La province exige toutefois que la plupart des nouveaux arrivants démontrent une connaissance du français.

Les agences d'immigration de Pékin ont commencé à mettre de l'avant leurs programmes de francisation au cours de la dernière année, annonçant qu'il s'agissait «de la seule porte de sortie, il n'y en a pas d'autre», explique la consultante en immigration Joyce Li, installée au Québec.

Ces immigrants doivent s'engager à vivre au Québec dans leur demande, mais, plus tard, ils peuvent profiter de leurs droits de citoyens canadiens pour s'installer à Toronto ou Vancouver, les deux destinations préférées des investisseurs-immigrants, précise-t-elle.

«Lors de l'entrevue, on vous fait signer le document, mais une fois au Canada, la Charte des droits et libertés vous laisse vivre où vous le voulez, ajoute Mme Li. Seuls environ 10 pour cent des Chinois utilisant le programme d'investisseurs-immigrants du Québec viennent ici, ou encore moins. Vous ne les voyez pas. Il fait trop froid pour la majorité des Chinois. Il n'y a pas de vols directs.»

Plusieurs Chinois ont, par le passé, utilisé le programme fédéral basé sur les compétences, profité du fait que des membres de leur famille se trouvaient déjà au pays, ou profité du programme canadien d'investisseurs-immigrants. Mais un surplus de dossiers à traiter a forcé Ottawa à suspendre certaines demandes de réunification familiale pour deux ans, et limiter à 700 le nombre de demandes d'investisseurs-immigrants.

Les Chinois se concentrent donc davantage sur le Québec, mentionne Zhao Yangyang, qui travaille à l'agence d'immigration Beijing Royal Way Ahead Exit & Entry Service.

«Voilà pourquoi plusieurs personnes, qu'elles soient riches ou des travailleurs formés, suivent des cours de français», dit-elle.

La ministre québécoise de l'Immigration, Kathleen Weil, a indiqué que la province accueillait avec plaisir la hausse de l'intérêt de la part de ces immigrants potentiels. «Nous sommes heureux de cette situation et nous voulons qu'ils restent ici», a-t-elle ajouté.

Cette nouvelle passion pour le Québec entraîne une forte augmentation du nombre d'heures de cours de français donnés un peu partout en Chine, y compris à Pékin, où l'Alliance française a dû refuser des étudiants.

Le chef de la direction de l'organisme, Laurent Croset, parle d'une «hausse énorme» du nombre d'heures de cours de la langue de Molière en Chine. En fait, le nombre d'heures de leçon à travers la Chine d'octobre 2010 à septembre 2011 a bondi de 14 pour cent comparativement à l'année précédente.