Après la résidence surveillée, le Parlement. Aung San Suu Kyi, porte-étendard de l'opposition au régime militaire birman, a été élue députée à la chambre basse du pays moins de deux ans après avoir recouvré la liberté.

Son parti, la Ligue nationale pour la démocratie (LND), revendique aussi la majorité des 45 sièges en jeu hier à l'occasion des élections partielles.

Et ce scrutin pourrait ne représenter qu'un premier pas dans la marche de la «Dame de Rangoun» vers la tête de son pays. Une élection présidentielle est prévue dès 2015 et l'aura politique d'Aung San Suu Kyi n'a pas faibli depuis sa libération. Selon un cadre de son parti, Soe Win, elle aurait été élue par 99% des voix exprimées.

Dans un communiqué, la gagnante a salué la «victoire du peuple» et demandé à ses troupes de s'abstenir de tout débordement. «Je voudrais demander à tous les membres de la LND d'être particulièrement attentifs, en particulier au fait que la victoire du peuple soit une victoire digne», a affirmé la lauréate du prix Nobel de la paix.

Sa victoire n'a pas empêché son parti de dénoncer «des irrégularités répandues» au cours du vote. La formation politique montre du doigt des documents ne portant pas les sceaux officiels et l'absence de certains citoyens sur les listes électorales.

Peu avant l'élection, Aung San Suu Kyi elle-même avait dénoncé des attaques «au-delà de l'acceptable» par ses adversaires, qui se seraient livrés, selon elle, à de «nombreux actes d'intimidation».

La fille du père de l'indépendance birmane briguait les suffrages dans une circonscription rurale et démunie située à trois heures de route au sud de la capitale économique du pays, Rangoun. Elle y a voté dimanche.

Il s'agissait des premières élections libres à être organisées en Birmanie depuis 1990.

Cette année-là, le LND de Aung San Suu Kyi avait remporté une éclatante victoire, avant de voir le scrutin être annulé par les militaires. Entre 1989 et 2010, elle a été enfermée en résidence surveillée par la junte au pouvoir.

Réformes

Il y a un an, la junte militaire qui dirigeait la Birmanie depuis les années 60 a laissé sa place à un régime civil.

Le gouvernement du président Thein Sein mène depuis des réformes à la vitesse grand V.

Depuis son arrivée au pouvoir, les médias birmans ont plus de libertés et plusieurs prisonniers d'opinion ont été relâchés. Le gouvernement birman a aussi accepté de faire la paix avec certains groupes rebelles.

Sur le plan économique, un autre changement profond surviendra aujourd'hui avec l'entrée en vigueur d'un taux de change flottant pour la devise birmane, le kyat. Le contrôle du gouvernement sur la valeur de la monnaie en sera du coup relâché.

La Birmanie a surpris l'ensemble de la communauté internationale par la rapidité des réformes politiques et économiques entreprises par son gouvernement.

Avant le scrutin, Washington et l'Europe ont toutes deux indiqué que les sanctions économiques imposées depuis des années à la Birmanie pourraient être assouplies si le scrutin était jugé libre.

-Avec Reuters, l'AFP et l'AP

Aung San Suu Kyi en cinq dates

1989 > La leader de l'opposition birmane Aung San Suu Kyi est enfermée dans une résidence surveillée pour une première fois. Elle y passera 15 ans d'ici 2010.

1990 > Son parti politique, la Ligue nationale pour la démocratie, remporte largement les élections générales que la junte militaire a été obligée d'organiser. Le pouvoir refuse toutefois de reconnaître le scrutin.

1991 > Le prix Nobel de la paix lui est remis pour son combat en faveur des droits de l'homme et de la liberté politique en Birmanie.

2010 > En novembre, les autorités birmanes libèrent Aung San Suu Kyi de sa résidence surveillée, après un scrutin considéré comme truqué par la communauté internationale.

1er avril 2012 > Elle remporte un siège de députée dans une modeste circonscription rurale au sud de Rangoun.

Photo: The New York Times