La Corée du Nord, déjà en butte à des sanctions sévères, a continué dimanche de défier la communauté internationale, en montrant à la presse étrangère sa fusée Unha-3 dressée sur le pas de tir du centre spatial de Tongchang-ri (nord-ouest), dans l'attente d'un lancement désormais imminent.

Geste sans précédent dans ce pays très fermé, qui ne délivre des visas qu'au compte-gouttes, une cinquantaine de correspondants ont été invités à se rendre par train spécial dans la nouvelle base de lancement construite sur la péninsule de Cholsan, à 50 kilomètres environ de la frontière chinoise.

C'est de là que doit être tirée, entre le 12 et le 16 avril, une fusée à trois étages censée mettre en orbite un satellite d'observation terrestre, Kwangmyongsong-3 (Étoile brillante).

Afin de prouver qu'il s'agit bien d'un lancement pacifique, et non pas d'un essai de missile balistique déguisé, comme l'affirment notamment les États-Unis, la Corée du Sud et le Japon, les journalistes étrangers ont eu le rare privilège de voir de près le lanceur et le satellite, et de visiter le centre de commandement.

Malgré les mises en garde internationales, la fusée blanche, aux lettres bleu ciel, se dressait dimanche sur le pas de tir de Tongchang-ri, prête à décoller une fois que ses réservoirs auront été remplis et que le satellite aura été installé dans le dernier étage.

Des techniciens s'activaient au pied du lanceur, devant les journalistes massés à moins de 50 mètres de la tour mobile.

La fusée, haute de 30 mètres et d'un diamètre de 2,5 mètres, doit placer en orbite héliosynchrone un satellite chargé de fournir des informations sur les récoltes, les forêts et les ressources naturelles de la Corée du Nord.

Les correspondants étrangers ont pu également voir de près le satellite, un parallélépipède de 100 kilogrammes, hérissé de 5 antennes et flanqué de panneaux solaires pour l'alimenter en électricité.

Les États-Unis et leurs alliés ne croient pas aux intentions pacifiques de Pyongyang et accusent la Corée du Nord de préparer en fait un essai de missile balistique.

«Dire que c'est un test de missile n'a vraiment aucun sens», a affirmé Jang Myong-Jin, chef du centre spatial.

«Ce lancement a été planifié de longue date, pour le centième anniversaire du président Kim Il-Sung», a-t-il dit. «Nous ne le faisons pas à des fins de provocation.»

Le régime va organiser de grandes festivités pour le 15 avril, jour de la naissance du fondateur de la République populaire démocratique de Corée, décédé en 1994. Son fils Kim Jong-Il lui a succédé, et à sa mort en décembre 2011, c'est son petit-fils, Kim Jong-Un, qui est devenu le nouveau numéro un nord-coréen.

«Ce qu'on a vu aujourd'hui, c'est civil, mais cette technologie peut être utilisée aussi à des fins militaires», a commenté un expert français, Christian Lardier, membre de l'Académie internationale d'astronautique (IAA).

Le premier étage de la fusée doit tomber en mer Jaune, à l'ouest de la péninsule coréenne, et le deuxième étage à l'est des Philippines, en survolant une partie des îles d'Okinawa, au sud du Japon.

Cependant, un tir sur une trajectoire aussi étroite n'est pas sans risque.

L'armée sud-coréenne et les Forces d'autodéfense japonaises --l'armée nippone-- ont été mises en alerte et menacent d'abattre le lanceur s'il dévie de sa route.

«Nous ne tolérerons aucune violation de notre souveraineté nationale», a averti M. Jang. «Nous n'avons jamais abattu un satellite sud-coréen ou japonais. Pourquoi nous menacent-ils?»

Le chef du central spatial a toutefois voulu apaiser les inquiétudes des pays voisins.

«Nous pouvons détruire la fusée du sol et il y a aussi un dispositif dans le lanceur qui peut juger de la trajectoire et déclencher l'autodestruction s'il dévie», a-t-il dit.

Assailli de questions sur le coût du programme spatial de la Corée du Nord alors que la population souffre de malnutrition chronique, M. Jang a maintenu la nécessité de poursuivre le développement technologique du pays.

«Même si vous avez faim, vous devez continuer à développer la technologie sinon vous deviendrez le pays le plus sous-développé du monde», a-t-il expliqué.

Il a annoncé à cette occasion que la Corée du Nord envisageait de lancer des fusées beaucoup plus puissantes, d'un poids total de 400 tonnes, contre 91 tonnes pour le lanceur Unha-3.

Pyongyang n'a jamais réussi jusqu'à présent à satelliser un engin, malgré deux tirs en 1998 et 2009.