Le chef de la diplomatie italienne a démissionné de façon spectaculaire mardi pour se démarquer du gouvernement qui avait renvoyé en Inde la semaine dernière deux militaires italiens accusés de meurtre, dans le but de désamorcer une crise diplomatique.

«Je démissionne, car cela fait 40 ans que je considère qu'il faut sauvegarder l'honorabilité du pays, des forces armées et de la diplomatie italienne», a déclaré le ministre des Affaires étrangères Giulio Terzi, au cours d'une audition à la Chambre des députés.

Il a exprimé son «désaccord» avec la décision adoptée le 22 mars par le gouvernement de renvoyer les deux soldats en Inde et s'est dit «solidaire des deux fusiliers marins et de leurs familles».

Après la démission inattendue du ministre, le PDL de Silvio Berlusconi (droite, opposition) a réclamé la venue au Parlement du chef du gouvernement, Mario Monti.

Ce dernier a déclaré «avoir appris avec stupeur», la nouvelle de la démission de M. Terzi qui ne lui avait rien annoncé au cours de leur rencontre dans la matinée. Dans un communiqué, le président du Conseil, qui expédie les affaires courantes en attendant la formation d'un gouvernement issu des élections de fin février, a par ailleurs confirmé qu'il s'exprimerait mercredi devant le Parlement sur cette affaire.

Le ministre de la Défense, Giampaolo Di Paola, entendu juste après son homologue, a exclu pour sa part de quitter ses fonctions, affirmant «ne pas vouloir abandonner un navire en difficulté».

Le gouvernement Monti a été très critiqué aussi bien à droite qu'à gauche pour sa gestion de l'affaire des «maros» (les fusiliers marins) en raison des décisions contradictoires prises par Rome et surtout du renvoi des soldats en Inde.

«Monti a eu une attitude honteuse, il a tout faux», a dénoncé mardi Silvio Berlusconi qui avait déjà déploré au lendemain du retour des deux marins en Inde le fait que l'Italie a été «ridiculisée et humiliée» dans cette affaire. «Un grand pays ne peut pas abandonner ses hommes», avait-il dit. La sénatrice du PD (gauche), Anna Finocchiaro, a également critiqué «une situation très mal gérée» par le gouvernement Monti.

Les deux fusiliers marins sont poursuivis pour avoir tué deux pêcheurs indiens qu'ils disent avoir pris pour des pirates, alors qu'ils assuraient la sécurité d'un pétrolier italien au large des côtes du sud-ouest de l'Inde le 15 février 2012.

Depuis, l'affaire n'a cessé d'empoisonner les relations entre les deux pays.

Massimiliano Latorre et Salvatore Girone avaient été autorisés par la justice indienne à retourner en Italie pour voter aux législatives de fin février, avec la promesse de revenir en Inde d'ici au 22 mars.

Mais le 11 mars, l'Italie avait annoncé qu'ils ne repartiraient pas compte tenu de «la controverse internationale entre les deux États». L'Italie estime que l'affaire ne relève pas de la justice indienne, les faits s'étant produits, selon Rome, dans les eaux internationales.

Le revirement de l'Italie avait provoqué la fureur des autorités indiennes qui avaient fermé les aéroports pour empêcher l'ambassadeur d'Italie en Inde, Daniele Mancini, de quitter le pays.

Dans une volte-face de dernière minute, l'Italie avait renvoyé les deux marins en Inde vendredi dernier, en disant avoir reçu des assurances écrites sur le traitement qui leur sera réservé et «la protection de leurs droits fondamentaux», en particulier qu'ils n'encourent pas la peine capitale.

Les deux hommes étaient accompagnés en Inde par le vice-ministre italien des Affaires étrangères, Staffan de Mistura, qui a souhaité que le procès des deux soldats ait lieu le plus rapidement possible.

«Le plus tôt nous verrons la cour spéciale agir et conclure l'affaire, le mieux ce sera», avait déclaré le diplomate au cours d'une conférence de presse à l'ambassade d'Italie à New Delhi.

Mardi, tous les journaux italiens publiaient un appel de Massimilano Latorre aux dirigeants politiques italiens pour «éviter qu'ils ne se divisent et ne se renvoient les responsabilités les uns sur les autres».

«Ce que nous vous demandons c'est, comme nos fusiliers, d'unir vos forces et de trouver une solution à cette tragédie», a-t-il dit. Selon le ministre de la Défense, le soir de leur départ pour l'Inde, les deux marins l'ont embrassé en l'implorant : «ne nous abandonnez pas».