Pris au piège comme des souris. Voilà comment se sentent les habitants de la bande de Gaza depuis le début de la riposte d’Israël après les terribles attentats terroristes du Hamas qui ont fait plus de 1300 morts sur le territoire de l’État hébreu samedi dernier.

D’abord, ils ont été cloués à la maison par les bombardements incessants. « Il y a des bombardements partout, dans toutes les directions. Nous n’avons pas accès aux nouvelles. Tout ce que nous entendons, ce sont les sons de la guerre. C’est 24 heures sur 24. On ne dort pas », a décrit Ehad Bader au Globe and Mail plus tôt cette semaine. Ce médecin canadien, en visite dans sa famille à Gaza, pourra peut-être quitter l’enclave grâce à un vol spécial organisé par le gouvernement canadien, mais pour la plupart des Gazaouis, toutes les issues sont bouchées.

À l’ouest, c’est la mer Méditerranée à laquelle les Gazaouis, sous blocus israélien depuis 2007, n’ont pas accès pour prendre la fuite. Au nord et à l’est, l’armée israélienne masse ses troupes de l’autre côté d’un mur – construit pour isoler Gaza –, mais que les combattants du Hamas ont réussi à forcer samedi dernier. Au sud, l’Égypte d’Abdel Fatah al-Sissi a signifié aux Palestiniens de Gaza de « rester sur leurs terres ».

Ce n’était que le début. Jeudi et vendredi, Israël a laissé tomber du ciel des tracts en arabe, enjoignant à plus d’un million de Gazaouis, vivant dans le nord de l’enclave, de se déplacer vers le sud. L’ordre sans précédent a soulevé autant de colère que de consternation. Craignant une « calamité humanitaire », le bureau du Secrétaire général des Nations unies a demandé à Israël de se rétracter. Le Hamas, qui contrôle la bande de Gaza sans partage depuis 2006, a intimé aux Gazaouis de ne pas broncher. Plusieurs pays arabes ont aussi signifié leur désaccord. Israël explique que son armée veut cibler des infrastructures du Hamas qui se trouvent sous terre.

Et les civils dans tout ça ? Ils ne savent plus trop quoi faire. Se déplacer est périlleux à cause des bombardements qui se poursuivent. S’ils décident de quitter leurs domiciles, ils le font dans des conditions plus que difficiles.

Il n’y a pas d’électricité dans Gaza depuis qu’Israël a imposé un siège complet. L’eau et la nourriture se font de plus en plus rares. Les hôpitaux débordent et manquent de tout.

En temps normal, la bande de Gaza est l’un des territoires les plus densément peuplés au monde. Cette situation n’a fait qu’empirer depuis que plus de 400 000 personnes, soit un Gazaoui sur cinq, ont été déplacées par les bombardements, et ce, avant l’ordre d’évacuation. « Mais où est le sentiment de sécurité à Gaza ? Est-ce que c’est ce que le Hamas nous offre ? », a dit un résidant de la ville de Gaza désespéré à un journaliste de l’Associated Press en regardant ses voisins prendre la fuite.

Vendredi, les autorités locales faisaient déjà état de 1900 morts.

Partir est dangereux. Rester est dangereux. On demande aux familles gazaouies de choisir leur poison.

Ce piège qu’est devenu Gaza ne menace pas de se refermer seulement sur les Palestiniens qui y vivent. Plusieurs experts mettent en garde Israël, qui, à l’heure où nous écrivons ces lignes, semble préparer un assaut terrestre dans le petit territoire bouclé de tous les côtés.

L’argument tient la route. Le Hamas, qui a mis deux ans à préparer les attentats de samedi, a fort probablement préparé le terrain pour l’arrivée des troupes israéliennes. Ses combattants connaissent chaque recoin des 365 km⁠2 de la bande de Gaza. On sait déjà qu’ils opèrent à partir d’un réseau complexe d’infrastructures souterraines.

Le Hamas détient toujours plus de 135 otages israéliens et étrangers, affirmant que 13 d’entre eux ont été tués dans les bombardements ordonnés par le gouvernement de Benyamin Nétanyahou.

Les pertes humaines liées à une incursion militaire terrestre s’annoncent lourdes non seulement pour les civils, mais aussi pour les militaires israéliens qui combattront sur le terrain de l’ennemi.

Il y a aussi fort à parier que les dirigeants du Hamas, qui ont fomenté les atrocités du 7 octobre, ont misé sur une riposte tous azimuts des autorités israéliennes, propice à attiser l’indignation dans la région. Leurs vœux funestes ont été rapidement exaucés. Le premier ministre israélien promet une réplique militaire qui va « réverbérer pendant des générations ». Il affirme que la contre-offensive en cours n’est que le début des représailles.

PHOTO ARASH KHAMOOSHI, THE NEW YORK TIMES

Des milliers d’Iraniens ont manifesté vendredi à Téhéran pour afficher leur soutien au Hamas.

Dans le monde musulman, la colère gronde déjà. Vendredi, des manifestations dénonçant la férocité de la réplique israélienne ont eu lieu en Irak, en Iran, au Liban et en Jordanie.

Si certaines de ces protestations sont organisées avec le gars des vues – notamment par les alliés du Hamas en Iran et au Liban –, elles ont le potentiel de se répandre partout au Moyen-Orient alors que l’opération militaire israélienne progresse et que les allégations de crimes de guerre s’accumulent.

L’Iran n’attend que ça. Le régime islamiste de Téhéran, qui craint d’être isolé davantage, cherche à faire dérailler les négociations pour normaliser les relations diplomatiques entre l’Arabie saoudite et Israël sous l’égide américaine. Et par la même logique, à remettre en cause les accords d’Abraham – des accords bilatéraux conclus entre Israël, les Émirats arabes unis, Bahreïn, le Maroc et le Soudan – pendant la présidence de Donald Trump.

C’est donc en terrain triplement miné que l’armée israélienne semble s’apprêter à marcher. Et ce, même si les fils reliés aux explosifs sont phosphorescents.