L'Inde, qui est l'un des principaux pays destinataires de l'amiante chrysotile exporté par le Canada, est menacé par «une bombe à retardement» sanitaire en raison de l'usage croissant de ce produit.

C'est du moins ce qu'affirment les auteurs d'un nouveau rapport traitant de la situation du géant asiatique, coordonné par l'International Ban Asbestos Secretariat (IBAS), qui doit être rendu public ce matin en Europe.

 

L'organisation prédit une montée en flèche en Inde, dans les années qui viennent, de cas de cancer liés à une exposition incontrôlée à l'amiante. Et s'inquiète de l'existence d'une «épidémie silencieuse» découlant du fait qu'il n'existe pas de registres médicaux permettant de recenser avec précision les cas existants.

«Pour contrer la chute de la demande globale pour le chrysotile, les vendeurs d'amiante ont agressivement ciblé les consommateurs de pays ayant des économies en forte croissance et des lois laxistes en matière de santé et de sécurité», déplore la coordonnatrice de l'IBAS, Laurie Kazan-Allen.

Le Canada, souligne-t-elle en entrevue depuis Londres, est intervenu à diverses reprises pour influer sur les orientations du gouvernement de l'Inde, qui reçoit aujourd'hui le tiers des exportations d'amiante du pays.

Ottawa défend l'idée d'un usage «sécuritaire» du chrysotile et dit fournir les renseignements requis aux pays destinataires des exportations, notamment à travers l'Institut du chrysotile, un organisme sans but lucratif soutenu par les gouvernements provincial et fédéral.

L'Institut est critiqué dans le rapport d'IBAS par Richard Lemen, épidémiologiste qui occupait, dans les années 90, le poste de Surgeon General adjoint aux États-Unis, l'un des postes les plus importants de la hiérarchie sanitaire du pays.

Le chercheur reproche notamment à l'Institut, basée à Montréal, d'avoir cité des positions caduques d'organismes sanitaires internationaux ou encore d'exagérer l'importance de certains rapports pour défendre son point de vue.

«Je ne connais pas une seule organisation internationale s'occupant de santé publique qui soutienne les positions de l'Institut», a-t-il déclaré à La Presse.

M. Lemen accuse le «lobby de l'amiante» de disséminer des informations trompeuses pour soutenir l'idée que le chrysotile comporte moins de risques pour la santé que les autres fibres d'amiante et qu'il peut être utilisé sans risque dans des conditions contrôlées.

Certains des épidémiologistes mis de l'avant par l'industrie font de la «pseudoscience», ajoute le spécialiste, qui insiste sur le fait qu'il n'y a pas de seuil de concentration sécuritaire pour les produits d'amiante, chrysotile inclus.

Les conclusions du rapport sur l'Inde - et les interventions de M. Lemen - ont été accueillies froidement hier par le président de l'Institut du chrysotile, Clément Godbout.

«C'est toujours la même chose. L'amiante tue et il faut bannir, bannir, bannir... Ça ne tient pas compte de la réalité d'aujourd'hui», a indiqué M. Godbout, qui reproche à ses détracteurs de ne pas faire de différence entre le chrysotile et les autres formes de fibres d'amiante.

«Ils ont des arguments non scientifiques», ajoute le dirigeant de l'Institut, qui accuse l'IBAS de vouloir mousser sa cause en prévision de la réunion des pays signataires de la convention de Rotterdam qui se tiendra à Rome à la fin octobre.

Le Canada s'est opposé avec succès par le passé à ce que le chrysotile soit ajouté à la liste des produits dangereux de la convention, une mesure qui imposerait des restrictions accrues sur le commerce international du produit.