L'un s'est peut-être montré trop condescendant, voire méprisant. «Je crains que le sénateur Obama ne comprenne pas la différence entre la tactique et la stratégie», a déclaré John McCain dans un commentaire caractéristique.

L'autre a peut-être été trop respectueux, voire conciliant. «Le sénateur McCain a absolument raison», a déclaré Barack Obama, une formule qu'il allait répéter à quelques reprises.

 

Le premier débat télévisé entre les deux principaux candidats à la Maison-Blanche n'a pas donné lieu à un moment qui restera gravé dans la mémoire des électeurs. À en juger par les commentaires médiatiques, il n'a pas permis non plus à un des adversaires de prendre vraiment l'avantage sur son rival.

Mais les électeurs pourraient en arriver à un tout autre verdict au cours des prochains jours. Un verdict à retardement qui tiendra peut-être moins à la substance des échanges qu'au ton employé par les deux candidats. Un verdict pourrait également être influencé par la culture populaire. En 2000, par exemple, l'émission de télévision satirique Saturday Night Live avait transformé en défaite la victoire d'Al Gore lors de son premier débat contre George W. Bush en accentuant les soupirs d'exaspération de l'ex-vice-président dans un de ses sketchs les plus célèbres.

Sondages

Pour le moment, les premiers sondages réalisés après le débat donnent l'avantage à Barack Obama. Selon une étude de CNN, 51% des électeurs interrogés pensent que le candidat démocrate a été le meilleur, alors que 38% ont préféré John McCain. La chaîne CBS a pour sa part effectué un sondage auprès d'électeurs indécis. Le sénateur de l'Illinois est sorti vainqueur pour 39% des répondants, tandis que 25% pensent que le sénateur de l'Arizona a triomphé.

Si cette perception populaire se confirme, les médias devront réviser leur propre verdict et conclure que John McCain est le grand perdant de ce duel axé principalement sur ses sujets de prédilection, la politique étrangère et la sécurité nationale. Les questions de politique intérieure devraient dominer le deuxième des trois débats entre les candidats présidentiels, qui doit avoir lieu le 7 octobre. Entre-temps, les candidats à la vice-présidence s'affronteront le 2 octobre.

Le ton plus agressif et condescendant de John McCain a peut-être déplu à des électeurs, en particulier aux indépendants. Quand le candidat républicain ne déplorait pas l'incompréhension de son adversaire, il lui reprochait sa naïveté. Le sénateur de l'Arizona voulait évidemment mettre l'accent sur la relative inexpérience de son rival, qui tranche avec sa longue feuille de route.

«Ce que le sénateur Obama semble ne pas comprendre, c'est que s'il n'y a pas de condition préalable, on s'assoit autour d'une table avec quelqu'un qui a appelé Israël un «cadavre puant»», a déclaré le sénateur McCain, reprochant à son rival de vouloir négocier avec le président iranien Mahmoud Ahmadinejad.

«C'est dangereux, ce n'est pas seulement naïf», a-t-il ajouté.

Aux yeux de plusieurs observateurs, John McCain a mis Barack Obama sur la défensive à plusieurs reprises avec ce type d'attaques. D'autres ont cependant affirmé que le candidat républicain avait perdu des points en donnant l'impression de n'avoir aucun respect pour son rival. Même si les règles du duel invitaient les rivaux à s'adresser la parole directement, John McCain a refusé de regarder son vis-à-vis durant le débat, ne serait-ce qu'une seule fois.

«Il y a quelques avantages à avoir de l'expérience, des connaissances et du discernement, a-t-il dit à la fin du duel. Honnêtement, je ne pense pas que le sénateur ait les connaissances ou l'expérience.»

Courtoisie d'Obama

Dans ce contexte, la courtoisie de Barack Obama a sans doute déçu plusieurs de ses partisans, qui ont dû grincer des dents en entendant leur candidat favori donner raison à John McCain sur tel ou tel sujet. Mais le candidat démocrate ne s'est pas privé de critiquer son rival à plusieurs reprises, répétant la formule «vous avez eu tort», notamment sur la question irakienne.

«John, c'est comme si vous prétendiez que la guerre a commencé en 2007», a-t-il dit. Et d'ajouter: «Vous avez eu tort. La guerre n'était pas justifiée.»

Malgré les commentaires négatifs de son rival, Barack Obama a également démontré qu'il avait une bonne maîtrise des dossiers internationaux. Et il a projeté une image présidentielle, allant même jusqu'à mettre une épinglette du drapeau américain sur le revers de son veston.

«Permettez-moi une dernière conclusion, a-t-il dit à la fin du débat. Vous savez que mon père venait du Kenya, d'où mon nom.»

Dieu seul sait ce que les scénaristes de Saturday Night Live pourraient ajouter à cette réplique.