«Terroriste.» L'accusation a été lancée à plusieurs reprises cette semaine par des républicains en colère. La campagne de John McCain essaie de lier Barack Obama à Bill Ayers, cofondateur du groupe radical The Weathermen. Un personnage méconnu des Américains, et dont les actions restent associées à une période trouble antiguerre des années 60.

La nuit tombait sur Chicago, le 8 octobre, 1969, quand 350 jeunes se sont réunis au Lincoln Park, au nord du centre-ville.

 

«Nous allons sans doute perdre aujourd'hui, a crié John Jacobs, un des chefs du groupe. Mais nous n'avons pas à gagner. Il y a une guerre au Vietnam, et il y a un Vietnam en Amérique. Aujourd'hui, nous allons faire un geste politique...»

Le groupe s'est mis à marcher vers le quartier cossu de Gold Coast. Sur leur passage, les manifestants faisaient éclater les pare-brise des autos garées, défonçaient les vitrines des boutiques, s'attaquaient aux voitures de police et aux devantures des immeubles de logements.

Plus de 1000 policiers ont été appelés en renfort ce soir-là. Ils ont tiré des cannettes de gaz lacrymogène et roué les manifestants de coups. Des policiers ont fait feu dans la foule. Six personnes ont été atteintes par des balles, et plusieurs autres ont été blessées. Près de 300 manifestants ont été arrêtés, dont un dénommé Bill Ayers, âgé de 25 ans.

Baptisé «Days of Rage», l'appel au soulèvement populaire contre la guerre au Vietnam avait été un échec. Mais le public Américain venait de faire connaissance avec les Weathermen.

Poser des bombes

Après les émeutes ratées de Chicago, les Weathermen, un groupe de radicaux d'extrême gauche formé pour reproduire en sol américain la peur et la panique de la guerre du Vietnam, ont changé de tactique.

Bill Ayers est devenu l'une des figures de proue du groupe. À Chicago, avant l'émeute, M. Ayers avait fait exploser une statue érigée en l'honneur d'un policier. La détonation avait été si forte que 100 vitres autour avaient volé en éclats.

Le résultat avait été impressionnant. Les Weathermen allaient poser des bombes.

Les militants du Weatherman, pour la plupart des étudiants bourgeois révoltés contre leur milieu, ont fait sauter des bombes artisanales dans les édifices gouvernementaux. Le FBI les a placés sur la liste des groupes terroristes nationaux.

Le 6 mars 1970, les pompiers de New York ont été appelés à se rendre sur le lieu d'une explosion dans Greenwich Village. Le triplex où les Weathermen fabriquaient leurs bombes venait de sauter, à cause d'un fil mal attaché sur un détonateur. Trois militants sont morts, dont la petite amie d'Ayers, Diana Oughton.

M. Ayers et ses acolytes sont alors passés dans la clandestinité. Désormais appelé The Weather Underground, le groupe a fait sauter des bombes artisanales au Capitole, en 1971, et au Pentagone, en 1972. Les bombes n'ont pas fait de victimes ou de blessés. Une bombe placée dans une station de police à San Francisco à la même époque a tué un policier, mais deux enquêtes n'ont pas permis de lier le crime aux Weathermen.

Au milieu des années 70, Ayers a rompu avec le groupe, affirmant que le temps était venu de déposer les armes et de retourner à la vie civile. Ce changement de cap a divisé le groupe, qui s'est séparé peu après.

Ayers et sa femme, Bernardine Dohrn, ont refait surface en 1980. Aucune accusation n'a été portée contre eux: plusieurs années plus tôt, le FBI avait trafiqué des preuves dans le dossier, provoquant la fin du processus judiciaire contre les membres du Weather Underground.

Liens ténus

M. Ayers n'a jamais condamné les gestes des Weathermen. En 1987, il a obtenu un doctorat en éducation et est devenu professeur à l'Université de l'Illinois. Il a écrit une quinzaine de livres et milite pour les dossiers liés à la réforme scolaire.

Le personnage est plus ou moins tombé dans l'oubli, jusqu'à ce que la campagne de John McCain soulève les «associations» entre lui et Barack Obama.

Obama et Ayers habitent dans le même quartier, Hyde Park, à Chicago. Les deux hommes ont siégé dans divers comités d'organismes caritatifs. En 1995, Bill Ayers a tenu un café causerie chez lui pour souligner le lancement en politique de Barack Obama. En 2001, M.Ayers a donné 200$ à la campagne d'Obama.

Une analyse exhaustive des liens entre les deux hommes par le New York Times a montré qu'ils n'étaient pas «amis», comme le martèlent les républicains.

Cette semaine, Obama a rappelé qu'Ayers était «une connaissance» et que les deux n'ont jamais été proches.

«J'ai appris qu'Ayers avait été impliqué dans des gestes répréhensibles, il y a 40 ans, quand j'avais 8 ans, a-t-il précisé. Je croyais qu'il était réhabilité depuis. Si McCain en parle aujourd'hui, c'est pour marquer des points politiques, pour distraire les gens de l'économie.»