Ça ne pouvait pas plus mal tomber. Pour le Fonds monétaire international, interpellé par une affaire de «moeurs» en pleine crise financière mondiale. Pour son directeur général, Dominique Strauss-Kahn, poursuivi par ses «imprudences» avec la gent féminine alors qu'on lui demande de jouer un rôle de premier plan face à la tourmente. Pour la France, dont il était le candidat officiel à la tête du FMI et qui comptait sur lui pour faire accepter aux Américains des réformes de fond du système financier international.

L'affaire a même éclaté au plus mauvais moment. Samedi dernier, Nicolas Sarkozy s'apprête à rendre visite à George Bush pour discuter d'un Sommet à 16 (le G8 plus les grands pays émergents) fixé à la mi-novembre et consacré à la crise actuelle. La nouvelle est publiée par le Wall Street Journal: Strauss-Kahn est l'objet d'une enquête interne au FMI pour savoir s'il a usé de sa fonction pour favoriser une «amie» lors de son départ de l'organisation.

 

Selon plusieurs sources, le président Sarkozy est «vert de rage» en prenant connaissance de ce «faux pas», qui affaiblit sa propre position face au président américain.

Car faux pas il y a eu. Pour éteindre l'incendie avant qu'il ne se propage, «DSK» s'empresse de l'admettre dès la parution de la nouvelle: oui, il a eu une relation avec Piroska Nagy, jeune économiste hongroise de 26 ans du FMI, lors du sommet de Davos, en janvier 2008. Non, il n'est pas intervenu pour lui obtenir des faveurs lorsqu'elle a quitté le FMI pour un poste à Londres. Et, dans un communiqué, il présente ses «excuses» pour cet «incident» à tous les salariés du Fonds... ainsi qu'à sa femme, l'ancienne journaliste vedette de la télé Anne Sinclair. Et celle-ci, dans son blogue, précise que cette affaire d'un soir «appartient au passé» et qu'ils s'aiment «comme au premier jour».

On pense généralement - sans certitude - que le comité d'éthique du FMI, qui doit rendre son rapport dans les prochains jours, devrait blanchir son directeur général de l'accusation d'abus de pouvoir. Si ce n'était pas le cas, on ne donne pas cher de l'avenir de DSK au FMI ou de ses ambitions présidentielles en France. Mais, même lavé de tout soupçon par le comité d'éthique, il risque de traîner cette affaire derrière lui. Dans tous les cas de figure, il est pour l'instant et peut-être définitivement «fragilisé», comme l'ont écrit plusieurs journaux.

En France, bien entendu, on considère que les aventures extraconjugales relèvent strictement de la vie privée - et c'est la position officielle à la fois du Parti socialiste, dont DSK est un dirigeant éminent, et du gouvernement sarkozyste, qui a fait de lui son candidat à la tête du FMI. Donc, s'il n'y a pas d'abus de pouvoir avéré, il y aura union sacrée pour soutenir «le soldat Strauss-Kahn».

Mais en même temps, ça chuchote bruyamment dans tous les coins. DSK a depuis longtemps la réputation d'être un «grand amateur des femmes», pour rester dans l'euphémisme. Et avant son départ pour Washington, il aurait reçu ce conseil de Nicolas Sarkozy: «Méfie-toi des États Unis, pour ce qui est de la vie personnelle.» Beaucoup aujourd'hui lui reprochent non pas une aventure d'un soir et quelque courriels enflammés, mais de n'avoir pas compris qu'une fois à la tête du FMI, en terre américaine, il lui faudrait être sinon irréprochable, en tout cas d'une grande prudence. Dans cette affaire, il a fait preuve de cette «légèreté» qu'on lui a souvent reprochée.

Un défaut grave pour ce brillant économiste et homme politique, en qui les socialistes commençaient à voir un candidat prestigieux pour la présidentielle de 2012. L'avenir politique de Dominique Strauss-Kahn, comme titrait Libération, est «suspendu à un jupon».