La Guadeloupe vivote au bord du gouffre depuis un mois. Les rues de la capitale, Pointe-à-Pitre, sont jonchées de débris et de voitures brûlées, et l'économie est au point mort. Rien pour se réjouir a priori. Sauf si vous vous appelez Olivier Besancenot.

L'homme politique de 34 ans, arrivé hier dans les Antilles pour soutenir les manifestants, ne dissimule pas son enthousiasme face à la révolte en cours.

Elle est «exemplaire» et «montre la voie» à suivre aux Français de l'Hexagone, souligne le charismatique politicien, qui rêve de voir ses concitoyens «mettre le feu à la plaine» pour en finir avec une société capitaliste «à bout de souffle».

Loin de passer pour un hurluberlu, le militant d'inspiration trotskiste voit sa popularité monter en flèche au point où il est aujourd'hui considéré comme le «meilleur opposant» au président Nicolas Sarkozy.

Les deux hommes peuvent difficilement être plus opposés. Alors que le chef d'État cultive religieusement ses relations avec l'élite financière, le second ne jure que par les classes populaires et pourfend à chaque occasion les excès du système capitaliste.

Sa «bouille de Tintin joufflu» dixit Le Monde est devenue incontournable dans les grèves et les manifestations, où il martèle ses thèmes de prédilection avec des phrases cisaillées pour frapper les esprits.

Dans l'espoir de canaliser le ressentiment populaire, M. Besancenot a lancé en grande pompe il y a quelques semaines le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), qui compte aujourd'hui près de 10 000 adhérents. Il regroupe la quasi-totalité des anciens membres de la Ligue communiste révolutionnaire, qui lui a servi de charpente.

Le profil d'Olivier Besancenot, qui continue de travailler à temps partiel comme facteur et est presque toujours vêtu d'un jean et d'un t-shirt, n'est pas étranger à sa popularité dans les milieux populaires, estime un de ses mentors politiques, François Sabado.

L'autre cause de l'ascension du porte-parole du NPA vient, selon cet autre trotskiste convaincu, de la forte demande qui existe pour une «opposition radicale et résolue» aux positions de droite de Nicolas Sarkozy.

Plutôt que «d'accompagner» le capitalisme en l'assortissant de quelques mesures sociales, comme le propose le Parti socialiste, le NPA préconise une réelle rupture, souligne M. Sabado.

La formation estime que les «grands moyens de production» dans des secteurs comme l'énergie ou les transports devraient être gérés par les travailleurs eux-mêmes plutôt que par une élite restreinte peu soucieuse de redistribuer les richesses.

Dans une récente lettre ouverte, le député socialiste Henri Weber fustige les idées d'Olivier Besancenot et de son parti comme autant «d'archaïsmes». «L'extrême modernité» du look et de la communication du «plus célèbre facteur de France» cache un modèle d'économie «étatisée et centralisée» qui a démontré par le passé sa «dramatique inefficacité», croit-il.

M. Sabado estime pour sa part que les graves déficiences observées dans les pays de l'Est à l'époque communiste sont imputables au fait que les «bureaucrates» dirigeaient l'économie et les institutions politiques. «Ce que nous proposons n'a rien à voir avec ça», dit-il.

En attendant l'insurrection populaire qui les portera au pouvoir, les têtes pensantes du NPA lèvent le nez sur les autres partis de gauche et écartent toute possibilité d'alliance stratégique aux élections.

Cette attitude «isolationniste» est fortement critiquée par le camp socialiste, qui demeure la deuxième formation en importance au pays, après celle du président. Ses dirigeants accusent les leaders de la formation d'extrême gauche de faire le jeu de la droite en divisant le vote.

Le quotidien satirique Le Canard enchaîné pousse l'analyse un cran plus loin en soulignant que le président veut utiliser le NPA pour affaiblir la gauche comme le président socialiste François Mitterrand «l'a fait jadis» avec le leader d'extrême droite Jean-Marie Le Pen pour «diviser la droite».

François Sabado s'insurge contre l'idée que Nicolas Sarkozy puisse s'accommoder sans souci de la montée du NPA.

«Allez lui demander s'il est content qu'Olivier Besancenot se rende en Guadeloupe pour encourager les manifestants et vous aurez votre réponse», conclut-il.