Mille neuf cent soixante-neuf: Richard Nixon, président des États-Unis, déclare la «guerre à la drogue», s'inspirant d'un slogan appliqué à la pauvreté par son prédécesseur, Lyndon Johnson. La formule servira à plusieurs de ses successeurs pour résumer la politique répressive du gouvernement fédéral à l'égard d'un problème sans frontières.

Deux mille neuf: Gil Kerlikowske, nouveau chef de la lutte contre la drogue au sein de l'administration Obama, appelle à l'abandon de l'analogie belliqueuse, la considérant comme un obstacle à une gestion plus efficace des problèmes reliés à la drogue.

«Peu importe comment vous expliquez aux gens qu'il s'agit d'une «guerre contre la drogue» ou une «guerre contre un produit», les gens voient une guerre comme une guerre contre eux. Nous ne sommes pas en guerre contre les gens de ce pays», a déclaré Gil Kerlikowske lors d'une entrevue publiée hier dans le Wall Street Journal, sa première depuis sa nomination à ce poste, il y a un peu plus de deux mois.

Kerlikowske, ex-chef de police de Seattle, n'est pas le premier tsar de la drogue à prôner l'abandon de l'expression «guerre à la drogue». Un de ses prédécesseurs, le général à la retraite Barry McCaffrey, refusait également d'utiliser le slogan sous l'administration Clinton. Mais ses politiques étaient aussi répressives que celles de ses prédécesseurs.

Or, Kerlikowske incarne la promesse d'un changement réel, selon Nathan Nadelmann, directeur général de la Drug Policy Alliance, un groupe favorable à la dépénalisation.

«Nous allons voir des progrès significatifs sur les principaux engagements du président Obama dans le dossier de la drogue», a-t-il déclaré lors d'une entrevue téléphonique. «Nous allons voir l'élimination de certains programmes de la «guerre à la drogue» dont l'échec est patent. Et nous allons voir une hausse importante des sommes consacrées au traitement. L'accent ne sera plus mis seulement sur l'incarcération.»

L'administration Obama avait déjà signalé de diverses façons son intention de rompre avec la politique de l'administration précédente à l'égard de la drogue. Elle a notamment réclamé la fin de la disparité des peines pour trafic de cocaïne en poudre et trafic de crack, son dérivé peu coûteux. En vertu d'une loi adoptée en 1986, revendre un gramme de crack expose à la même peine que revendre 100 grammes de cocaïne en poudre. Cette disparité apparaît non seulement injustifiée, mais également raciste, dans la mesure où le trafic du crack touche d'abord les Noirs.

L'administration démocrate a également annoncé la fin des raids fédéraux dans les dispensaires de marijuana médicale situés dans les 13 États où ceux-ci ont été légalisés. En tant que candidat, Barack Obama a, d'autre part, promis de lever l'interdiction au financement fédéral des programmes d'échange de seringues.

Le virage de l'administration démocrate ne manquera pas de soulever des vagues. Le sénateur républicain de l'Oklahoma, Tom Coburn, s'est déjà inquiété de l'approche permissive de Gil Kerlikowske à l'égard de la marijuana. Le chef du syndicat de la police de Seattle a formulé la même critique, faisant allusion à des secteurs de sa ville qui seraient devenus des marchés de marijuana à ciel ouvert.