Le président américain, Barack Obama, se rend en Normandie aujourd'hui pour rendre hommage aux soldats alliés tombés lors du débarquement du 6 juin 1944. Loin des caméras, plusieurs vétérans de l'offensive historique font leur «pèlerinage» sur les plages du nord de la France avec la crainte que la maladie ou la mort les empêche de revenir.

Le monument posé sur la plage de Juno, près de la commune normande de Courseulles-sur-Mer, rappelle que «l'héroisme» manifesté ici par les forces alliées a ouvert la voie à la reconquête de l'Europe.

 

Il ne dit rien cependant de l'intensité des batailles, du sang et des blessures laissées dans les corps et les têtes par le débarquement du 6 juin 1944.

Avec 65 ans de recul, Paul-Émile Maisonneuve n'a besoin d'aucun rappel de ce genre. Arrivé sur les côtes au milieu des obus lors du jour J, ce vétéran canadien de la Seconde Guerre mondiale a encore bien en tête les images de l'offensive historique.

«Chaque fois que je viens, c'est la même chose, je pense au monde qu'on a laissé là. Ce ne sont pas des souvenirs faciles», relate le résidant d'Edmonton, qui jugeait important de venir cette année en France pour souligner l'anniversaire de l'évènement.

Drapeaux canadiens

D'autant plus qu'il s'agit très probablement de la dernière chance qu'il aura de se recueillir sur place. «J'ai 90 ans et je sais que ça va devenir de plus en plus difficile pour moi de voyager», confie-t-il en entrevue.

La crainte est largement répandue parmi les vétérans du débarquement, qui voient leurs rangs diminuer d'année en année.

«Dans mon unité, nous ne sommes plus que huit», souligne Tom Finigan, un soldat anglais de 84 ans qui était intégré à l'infanterie canadienne lors du débarquement.

Le président d'honneur de l'association de vétérans anglais du débarquement, Peter Hodge, s'inquiète aussi de l'âge de plus en plus avancé des anciens soldats.

«Je passe désormais la plus grande part de mon temps à envoyer des messages de condoléances», indique-t-il.

Les associations d'anciens combattants ne sont pas les seules qui s'inquiètent. «Je pense que c'est la dernière fois que je viens... Quand les combattants ne seront plus là, ce ne sera plus la même chose ici», a déclaré hier Leen Driehuizen, un Néerlandais de 57 ans qui se baladait sur la côte dans une vieille jeep décorée de drapeaux canadiens.

«Je les ai mis en l'honneur d'un ancien combattant canadien avec qui j'avais eu une longue conversation il y a quelques années... Sa fille m'a donné des nouvelles par la suite, mais je n'ai rien reçu depuis un moment. Il est peut-être mort», a-t-il expliqué.

Cirque médiatique

Plusieurs personnes portant d'anciens habits militaires circulaient hier dans des jeeps ou sur de vieilles motos pour marquer le jour du débarquement. Dans tous les villages de la région, des résidants ont mis des drapeaux des pays alliés sur leurs fenêtres ou leurs portes.

Plus de 7000 personnes sont attendues ce matin pour une cérémonie d'envergure qui se déroulera, sous haute sécurité, au cimetière américain de Colleville-sur-Mer en présence du président des États-Unis, Barack Obama, et d'autres dirigeants politiques, dont le premier ministre canadien, Stephen Harper.

M. Hodge espère que le cirque médiatique entourant la venue du chef d'État américain ne fera pas oublier que le 6 juin est d'abord et avant tout un jour de «pèlerinage».

«Dans quelques jours, le Débarquement sera relégué aussi loin dans l'esprit des gens que le premier homme sur la Lune. Mais les vétérans, eux, sont toujours ici en pensée», conclut-il.