Jimmy LaSalvia caresse un rêve qui sera considéré comme un cauchemar par plusieurs de ses compatriotes s'il devient réalité: il veut persuader Dick Cheney de se lancer à l'assaut de la Maison-Blanche.

LaSalvia, un militant républicain de Washington, est l'un des organisateurs d'un nouveau groupe appelé Draft Cheney 2012 dont on peut lire la mission sur le site internet du même nom : «Nous espérons que vous vous joindrez à nos efforts pour convaincre Dick Cheney à briguer la présidence des États-Unis en 2012. Aucun autre dirigeant républicain n'a la stature ou l'expérience de Dick Cheney. Il est le seul à pouvoir mener la coalition républicaine à la victoire en 2012!»

LaSalvia ne blague pas et reste imperméable à tous les arguments qui vont à l'encontre de l'objectif de son organisation, au sein de laquelle milite également Christopher Barron, un avocat de la capitale américaine.

«Nous savons que l'ancien vice-président ne nourrit aucune ambition secrète de briguer la présidence. Mais nous savons également que c'est un homme dont le dévouement au service de son pays ne fait aucun doute. Et nous sommes déterminés à le convaincre que le pays a besoin de lui», dit LaSalvia au cours d'un entretien téléphonique.

Et l'état de santé de Dick Cheney, qui a souffert de quatre crises cardiaques de 1978 à 2000? Et son âge?

«Je pense qu'il a prouvé qu'il pouvait affronter les rigueurs d'une campagne nationale, répond LaSalvia. Et il sera plus jeune en novembre 2012 que ne l'était John McCain quatre ans plus tôt.»

Cheney, qui célébrera son 69e anniversaire de naissance le 30 janvier prochain, a quatre ans et cinq mois d'écart avec McCain.

Les organisateurs de Draft Cheney 2012 ont été encouragés dans leur démarche par le refus de l'ex-vice-président de suivre l'exemple de George W. Bush, qui s'est fait un devoir de ne pas critiquer son successeur. Homme de l'ombre durant ses années au pouvoir, Cheney semble désormais vouloir occuper le devant de la scène avec Barack Obama. Ainsi, à la veille du discours très attendu du président sur sa nouvelle stratégie afghane, il n'a pas manqué d'accorder une entrevue au cours de laquelle il a notamment reproché au démocrate d'envoyer des signaux de «faiblesse» aux ennemis des États-Unis.

Cette entrevue a valu à Dick Cheney d'être lui-même critiqué.

«M. Cheney devrait être plus patriotique», a soutenu Michael O'Hanlon, spécialiste militaire à la Brookings Institution. «Nous avons un président à la fois - et ce président est en train de faire en Afghanistan ce que l'administration Bush elle-même ne faisait que commencer à faire.»

Mais les supporteurs de Dick Cheney défendent son droit de parole.

«Il parle avec une clareté et une force que très peu de républicains ou de démocrates possèdent, dit Jimmy LaSalvia. Il est certainement la voix la plus forte au sein du Parti républicain.»

Jon Meacham, rédacteur en chef de l'hebdomadaire Newsweek, a invoqué des arguments similaires pour expliquer pourquoi Dick Cheney doit se présenter en 2012. Il a publié sa thèse après que la fille de l'ex-vice-président, Liz Cheney, eut déclenché des rires bon enfant sur Fox News en faisant allusion à une éventuelle course présidentielle.

«Pourquoi? Parce que Cheney est un homme de convictions, qui peut être jugé sur son bilan, a écrit Meacham. Quel que soit le résultat, il ne serait entaché d'aucune ambiguïté quant à la volonté de l'électorat. Le meilleur moyen de sortir des controverses est d'avoir ce que nous avions l'habitude d'appeler une discussion franche et approfondie sur les différentes questions, puis de passer au vote. Une compétition entre Dick Cheney et Barack Obama nous permettrait d'avoir un vivifiant référendum sur deux visions concurrentes. L'un des problèmes dont souffre la gouvernance depuis l'élection de Bill Clinton est le refus catégorique du parti de l'opposition (le Parti républicain de 1993 à 2001, les démocrates de 2001 à 2009 et à nouveau les républicains pour Obama) de reconnaître que le président, en vertu de son élection, a mandat pour emmener le pays dans telle ou telle direction. Une victoire Cheney signifierait que l'Amérique a préféré un unilatéralisme vigoureux au multilatéralisme sans complexe du président Obama, et vice versa.»

Et que pense l'intéressé d'une campagne à la Maison-Blanche? «Pourquoi voudrais-je faire ça?» a-t-il répondu lors d'une entrevue au journal Politico. J'ai eu toute une expérience (à la vice-présidence). J'ai adoré ça. Je n'ai aucune ambition présidentielle.»

Il va sans dire que cette réponse n'a pas mis fin au rêve de Jimmy LaSalvia et compagnie.