Sarah Palin a demandé à Barack Obama de congédier Rahm Emanuel, son chef de cabinet, à cause de l'utilisation de l'expression fucking retarded (enculés d'attardés) lors d'une rencontre avec des représentants de groupes progressistes. Portrait de cet homme critiqué de l'administration démocrate qui jure comme un charretier.

La rencontre remonte au mois août. Elle met en scène Rahm Emanuel, le battant qui tient le rôle de chef de cabinet de la Maison-Blanche, et des représentants de groupes progressistes. Au bout d'un moment, quelques-uns d'entre eux annoncent leur intention de diffuser des pubs attaquant les démocrates conservateurs qui se montrent réticents devant la réforme du système de santé voulue par Barack Obama. «Enculés d'attardés», leur lance aussitôt Emanuel, s'insurgeant contre ce projet.

L'anecdote, qui a été racontée la semaine dernière par le Wall Street Journal, a incité lundi Sarah Palin à réclamer le congédiement d'Emanuel. Selon l'ex-candidate à la vice-présidence, «l'insulte de Rahm à l'endroit de tous les enfants de Dieu souffrant de handicaps cognitifs et de développement est navrante et inacceptable». Deux jours plus tard, Emanuel a présenté des excuses publiques après une rencontre à la Maison-Blanche avec Tim Shriver, président des Jeux paralympiques, et cinq autres défenseurs des droits des handicapés.

Le repentir n'est évidemment pas un sentiment que l'on associe à Rahm Emanuel, né il y a 50 ans dans une famille juive de Chicago. Malgré une passion de jeunesse pour la danse classique, l'homme n'est pas du genre à faire des ronds de jambe. Formé à l'école politique de Richard Daley, maire démocrate de sa ville natale, réputé pour son répertoire de jurons et baptisé du surnom évocateur de «Rahmbo», il a déjà envoyé un poisson mort à un sondeur qui lui avait déplu.

Vulnérabilité nouvelle

Mais les excuses de Rahm Emanuel constituent un symbole approprié de sa vulnérabilité nouvelle. Travailleur infatigable, il devait notamment mettre à profit son expérience à titre de conseiller de la Maison-Blanche sous Bill Clinton (de 1993 à 1998) et de membre du Congrès (de 2002 à 2008) pour mobiliser ses anciens collègues de la Chambre des représentants et les sénateurs en vue de l'adoption de la réforme du système de santé, priorité de son patron.

Or, plusieurs progressistes ont critiqué la façon dont Emanuel a géré ce dossier. Ils lui reprochent ses vains compromis avec certains parlementaires et lobbys. Et ils l'accusent aujourd'hui de vouloir privilégier une approche trop centriste à la suite de la victoire du républicain Scott Brown à l'élection sénatoriale du Massachusetts, qui a mis en péril tout le programme du président Obama.

Les critiques s'accompagnent ces jours-ci de rumeurs sur son remplacement éventuel à la Maison-Blanche. Quand la chef d'antenne de CBS, Katie Couric, l'a interrogé à ce sujet la semaine dernière, il a répondu: «Tant que le président me veut, je suis ici.»

Les difficultés d'Emanuel ne sont peut-être que temporaires. Après son congédiement comme conseiller de Bill Clinton, tout ce qu'il a touché a semblé se transformer en or, au propre comme au figuré. De 1998 à 2002, il a amassé une fortune de 16 millions de dollars à la Dresdner Bank, selon la presse américaine. Après avoir remporté le siège du futur gouverneur d'Illinois Rod Blagojevich à la Chambre des représentants, il s'est imposé comme stratège, jouant un rôle-clé dans le triomphe démocrate lors des élections de mi-mandat de 2006.

Mais sa série de succès a semblé prendre fin l'an dernier avec le dossier israélien. Après sa nomination comme chef de cabinet, le quotidien Maariv l'avait appelé «notre homme à Washington», rappelant que son père avait été membre de l'Irgoun (une organisation nationaliste juive) et qu'il s'était lui-même engagé comme volontaire civil aux côtés des militaires israéliens en 1991.

Mais Emanuel a perdu ses soutiens en Israël en encourageant le président américain à réclamer un gel total des implantations juives en Cisjordanie. Pour l'heure, cette politique est un échec, tout comme la stratégie préconisée par le chef de cabinet dans le dossier de la santé.