Le mouvement Tea Party tient ces jours-ci au Tennessee son premier congrès national. Survol de la première année d'un phénomène politique qui canalise la grogne anti-gouvernement d'une partie de l'électorat.

S'il fallait identifier le moment où le mouvement Tea Party a vraiment pris son envol, il faudrait remonter au matin du 19 février 2009, jour où Rick Santelli, journaliste de la chaîne financière CNBC, s'est lancé dans une diatribe devenue célèbre contre la décision de Barack Obama de débloquer 75 milliards de dollars pour aider les propriétaires endettés à éviter la saisie de leur maison.

 

«Le gouvernement encourage des comportements irresponsables», s'était indigné Santelli en direct de la Bourse de Chicago. «J'ai une idée. Nous savons que la Maison-Blanche est férue de nouvelles technologies. Alors, monsieur le président, pourquoi ne lancez-vous pas un référendum sur l'internet pour voir si les gens veulent vraiment subventionner les emprunts des perdants?»

Et Santelli d'enchaîner en proposant de tenir à Chicago un «Tea Party», une manifestation contre le gouvernement et ses impôts. La vidéo de la sortie du journaliste allait connaître un succès boeuf sur l'internet, inciter des Américains à organiser des «tea parties» et servir d'inspiration à un mouvement populiste qui tient depuis jeudi son premier congrès national à Nashville, au Tennessee. L'événement, auquel assistent plus de 600 personnes, prendra fin ce soir par un discours de Sarah Palin, une des figures les plus populaires des «tea partiers».

Au fil de leurs manifestations, les militants du mouvement Tea Party ont ajouté à leur liste des programmes de l'administration Obama qui suscitent leur colère. Ils se sont également opposés au plan de relance économique de 787 milliards de dollars, aux plans de sauvetage des secteurs bancaire et automobile et à la réforme du système de santé, entre autres politiques jugées «socialistes».

Les militants ont également commencé à faire sentir leur influence dans la sélection des candidats républicains aux élections locales et nationales. Mais ils sont encore loin d'avoir une vision et une organisation communes, comme en témoigne la controverse qui a précédé l'ouverture du congrès de Nashville, où le prix de l'inscription s'élevait à 549$ par personne. Des têtes d'affiche républicaines et des militants ont refusé d'y assister, soupçonnant les organisateurs de vouloir s'enrichir.

Sarah Palin a d'ailleurs dû défendre sa décision de se rendre à Nashville, où elle devrait recevoir 100 000$ pour son discours.

«Chacune des personnes qui participera à l'événement est un soldat pour la cause», a-t-elle écrit cette semaine dans le USA Today. «Certaines d'entre elles auront parcouru des centaines de milles en voiture pour se rendre à Nashville. J'ai pris l'engagement d'y être et je le respecterai.»

Le mouvement Tea Party doit également combattre l'image négative que lui confèrent certains de ses militants et même certaines de ses têtes d'affiche, dont l'opinion à l'égard du président tend vers l'intolérance. L'ancien représentant républicain du Colorado, Tom Tancredo, a fourni un exemple de ce problème jeudi soir, ouvrant le congrès de Nashville avec un discours aux relents xénophobes et racistes.

«Des gens qui ne pouvaient même pas épeler le mot «vote» ou le dire en anglais ont porté au pouvoir à la Maison-Blanche un idéologue socialiste endurci. Il s'appelle Barack Hussein Obama», a-t-il dit.

L'organisateur du congrès, Mark Skoda, fondateur du Memphis Tea Party, a qualifié de «problématique» le discours de Tancredo. «Cela ne fait pas progresser le dialogue», a-t-il déclaré.

Ty Reynolds, un militant du Kansas présent à Nashville, a exprimé une opinion plus acceptable que celle de Tom Tancredo en parlant de la philosophie du mouvement Tea Party. «C'est la liberté individuelle contre le contrôle gouvernemental. Laissez-moi tranquille, arrêtez de me taxer de façon excessive et soyez des gestionnaires responsables de l'argent des contribuables», a-t-il déclaré à l'Associated Press.

 

De l'origine du nom Tea Party

Décembre 1773: des Américains en colère jettent à la mer des sacs entiers de thé pour protester contre les taxes imposées par les Britanniques. C'est le Boston Tea Party, un épisode catalyseur de la révolution américaine dont s'inspirerait aujourd'hui le mouvement Tea Party. Le conditionnel s'impose parce que certains voient dans le mot Tea non pas un rappel historique, mais un sigle signifiant Taxed Enough Already (déjà assez taxés).