Il y aura bientôt un an, le lieutenant Daniel Choi défiait le Pentagone et sa politique dite du «Don't ask, don't tell» en sortant du placard à la une du Army Times et sur la chaîne de télévision MSNBC. C'était le début d'un combat qui a fait de ce diplômé de la prestigieuse académie militaire de West Point un héros au sein de la communauté homosexuelle des États-Unis. L'ironie plutôt amère est que le vétéran de la guerre d'Irak, aujourd'hui âgé de 29 ans, gagnera peut-être ce combat avant d'avoir fait la paix au sein de sa propre famille à propos de son homosexualité.

«Ma mère est encore très anti-gai», dit le lieutenant Choi, qui a annoncé en janvier 2009 son orientation sexuelle à ses parents originaires de la Corée du Sud, soit environ un an après avoir rencontré le tout premier amour de sa vie. «Elle me parlait toujours de la fille coréenne que j'allais marier et des 20 enfants coréens que nous aurions ensemble. Elle a beaucoup de difficulté à accepter mon homosexualité.»

La réaction initiale de son père, un pasteur baptiste, n'a pas été plus positive. «Il me sortait tous les versets de la Bible condamnant l'homosexualité», se souvient le lieutenant Choi au cours d'un entretien téléphonique. «Mon père et ma mère m'ont dit des choses très blessantes. Mais j'ai survécu à ça.»

En fait, c'est dans la réaction négative de ses parents que le lieutenant Choi dit avoir puisé le courage de combattre la loi qui impose aux militaires américains homosexuels de ne pas dévoiler leur orientation sexuelle sous peine d'être expulsés des rangs de l'armée. Ces soldats peuvent aussi être renvoyés s'ils sont dénoncés. Avant d'accorder des entrevues à Army Times et à MSNBC, en mars 2009, l'officier a d'abord participé à la fondation de Knighs Out, un groupe d'anciens diplômés de West Point qui défend le droit des gais et des lesbiennes de servir ouvertement dans l'armée.

«La réaction de mes parents m'a donné la force, l'entraînement, si l'on veut, pour devenir un militant et une voix pour les autres», dit le lieutenant Choi, qui est natif de la Californie.

Sa sortie du placard a évidemment compromis sa carrière militaire, commencée en 1999 dans l'Armée et poursuivie depuis 2008 au sein de la Garde nationale de New York, où il est chef de peloton. Le 30 juin 2009, un jury militaire a recommandé son renvoi. Le Pentagone n'a pas encore tranché l'affaire.

«C'est insensé», dit le lieutenant Choi, qui a la distinction d'être arabophone. «Nous sommes en guerre. Nous avons besoin de tous nos soldats arabophones, nous avons besoin de tous nos soldats qui parlent le farsi. Ce n'est pas une question homosexuelle, c'est une question de sécurité nationale.»

Heureusement pour le lieutenant Choi, la donne a changé depuis un an. Le commandant de la Garde nationale de New York l'a invité à réintégrer les rangs au début du mois, après une exclusion de neuf mois découlant de sa sortie de placard. Raison officielle: son unité a besoin de tous ses effectifs en vue d'un déploiement prochain en Afghanistan.

Et comment les membres du peloton du lieutenant Choi ont-ils réagi à son retour?

«Plusieurs soldats sont venus me voir pour me dire qu'ils avaient un frère gai ou une cousine lesbienne, se souvient le lieutenant Choi en riant. Ils me disaient ça pour démontrer qu'ils respectaient le fait que je me sois tenu debout.»

Le retour du lieutenant Choi dans la Garde nationale suit de près le soutien exprimé par l'amiral Michael Mullen, le plus haut gradé américain, en faveur de la levée du tabou homosexuel dans l'armée. Mais le dernier mot dans ce dossier reviendra au Congrès, qui doit abroger la loi «Don't ask, don't tell», dont l'application depuis 1993 a mené au renvoi de plus de 13 000 soldats. Or, malgré l'appel récent de Barack Obama, le Congrès ne semble pas pressé d'agir sur cette question.

«Je suis extrêmement déçu du manque de courage des démocrates du Congrès», dit le lieutenant Choi. «Ils ont prouvé qu'ils ne méritaient pas le pouvoir.»

Le vétéran d'Irak peut au moins se consoler en pensant que son père s'est fait à l'idée qu'un de ses fils est gai. «Il m'a appelé en octobre pour me dire qu'il m'acceptait, a-t-il dit. C'est lui qui m'avait donné l'idée de servir dans l'armée. Il me disait toujours qu'on devait servir une cause plus grande que soi-même pour devenir un homme. Bien sûr, il n'aurait jamais pensé que je me battrais aussi pour la cause des homosexuels dans l'armée américaine.»