Avec seulement trois titres olympiques et 15 médailles au total à Vancouver, la Russie a connu les pires Jeux de son histoire. À quatre ans des Jeux de Sotchi, le pouvoir panique. Le président Dmitri Medvedev a promis de faire rouler les têtes des responsables de la débandade olympique. Les observateurs russes, eux, montrent plutôt du doigt le système politique autoritaire en entier, qui préfère le népotisme à la performance.

«Le sport, ce n'est pas seulement du sport, c'est aussi de la politique.» Dmitri Medvedev n'aurait jamais cru si bien dire lorsqu'il a exigé des athlètes russes qu'ils fassent honneur à la Russie, peu avant leur départ pour Vancouver.

 

Dans un éditorial intitulé «Plus lent, plus bas, plus faible», antithèse de la devise olympique, le journal en ligne Gazeta.ru a écrit lundi que la contre-performance russe à Vancouver n'est que «le reflet objectif des résultats de la politique qui a cours dans le pays».

Le journal libéral fait l'analogie entre les échecs sportif et économique de la Russie au cours de la dernière décennie. Dans les deux cas, les malheurs sont liés à «une absence totale de cadres professionnels, à une irresponsabilité généralisée dans la verticale du pouvoir» et au fait que les fonctionnaires et politiciens dépensent plus d'énergie dans les luttes intestines pour le pouvoir que dans le règlement des problèmes criants, dénonce le journal.

«Dans le système politique actuel, il n'y a pas de concurrence. Pareillement, les dirigeants (des fédérations sportives) sont choisis pour leur proximité avec le pouvoir plutôt que pour leur compétence», note Anton Orekh, chroniqueur sportif à la radio Écho de Moscou. Il fait notamment référence au président du Comité national olympique, Leonid Tiagatchev, aussi politicien et... entraîneur de ski personnel du premier ministre Vladimir Poutine.

Renvoyer, et après?

En poste depuis 2001, M. Tiagatchev est la principale cible des critiques, ces jours-ci, avec le ministre des Sports, Vitali Moutko. Sans les nommer, le président Medvedev a indiqué lundi que les responsables des déboires sportifs «devront prendre une décision courageuse et présenter leur démission. S'ils n'y arrivent pas, nous les aiderons».

Mais le problème n'est pas aussi simple à régler, croit Anton Orekh. «Renvoyer les plus hauts dirigeants du sport, c'est la décision la plus naturelle et la plus facile. Mais après?»

L'argent était pourtant au rendez-vous pour la préparation des athlètes. Le gouvernement russe a dépensé environ 50 millions de dollars au cours des deux dernières années, une somme comparable au programme canadien À nous le podium (110 millions depuis 2005).

Les conditions d'entraînement, par contre, étaient incomparables. En attendant les installations de Sotchi, en construction (voir encadré), les athlètes russes s'exercent dans des infrastructures souvent obsolètes, qui datent de l'époque soviétique.

Anton Orekh estime qu'il est déjà trop tard pour que la Russie espère obtenir de bonnes performances lorsqu'elle accueillera les Jeux d'hiver, en 2014. «Plusieurs des athlètes qui concourront à Sotchi étaient aussi à Vancouver. En quatre ans, il est impossible de donner naissance à un athlète, de l'entraîner et de lui apprendre à gagner.»

 

 

Sotchi 2014: un défi olympien

Attribuer les Jeux olympiques d'hiver à la ville russe de Sotchi était certainement le défi le plus risqué jamais pris par le Comité international olympique. La station balnéaire ne dispose d'aucune des infrastructures nécessaires pour la tenue de JO. Actuellement, près de 20 000 ouvriers travaillent jour et nuit aux futures installations olympiques. Au total, 207 installations (centres de ski, arénas, routes, hôtels, etc.) devront être construites. «Je n'ai aucun doute qu'ils y arriveront», dit Igor Tchernov, correspondant à Sotchi du journal moscovite Vremia Novosteï. «Mais la question est plutôt de savoir à quel prix ils y arriveront.»