À des élections régionales qui paraissent jouées d'avance, il fallait bien un petit suspense.

Il aura lieu en Alsace, où il n'est pas impensable qu'un jeune «écolo», simple conseiller municipal, se retrouve président de région. Dans ces élections qui s'annoncent, au plan national, largement perdues par la droite «sarkozyste», le résultat en Alsace fera figure de test national. Si la gauche l'emporte, elle aura réalisé le «grand chelem» annoncé par Martine Aubry, la patronne du Parti socialiste: un grand désaveu pour la droite. Si celle-ci réussit à sauver ce qui est l'un de ses bastions les plus imprenables, elle déclarera avoir «résisté» et on entendra quelques cris de victoire.

Comme toujours, il faut se méfier des sondages: dans beaucoup de régions, l'écart entre gauche et droite se limite à deux ou trois points, et un revirement de tendance est toujours possible.

Le fait demeure: en 2004, au beau milieu du mandat du président Chirac, la gauche avait remporté 20 des 21 régions françaises, y compris celles les plus solidement ancrées à droite, comme le Poitou-Charentes, qui était le fief du premier ministre de l'époque, Jean-Pierre Raffarin. Signe de mécontentement de l'électorat: une France globalement à droite avait partout - sauf en Alsace - mis au pouvoir des exécutifs régionaux de gauche.

Forte abstention prévisible

Mis à part un grave accident de parcours, qui se produirait entre les deux tours des 14 et 21 mars, tous les observateurs s'attendent à ce que les présidents de gauche sortants soient réélus.

D'abord parce que, sur la gestion de problèmes assez techniques et consensuels (routes, transport régional, entretien des lycées), l'électorat n'a pas de grands reproches à faire à la gauche.

Ensuite parce que, vue l'impopularité de Nicolas Sarkozy par temps de crise, on s'attend à ce que l'électorat de droite manifeste son mécontentement par une forte abstention.

Reste l'Alsace, fondamentalement ancrée à droite: en mai 2007, Nicolas Sarkozy y avait obtenu 65% des voix, et l'immense majorité des députés y sont de droite. Mais cette année, même cette vaste région atypique, frontalière de l'Allemagne, prospère et industrieuse, pourrait basculer à gauche.

Un premier sondage, effectué il y a deux semaines, annonçait une défaite de la droite au second tour avec 48% des voix.

Mieux encore: la bataille au premier tour s'annonce extrêmement serrée entre le candidat du Parti socialiste, Jacques Bigot, et celui d'Europe écologie, Jacques Fernique, professeur de lycée et simple conseiller municipal. Ils étaient tous les deux à 20% des voix.

L'influence des Allemands

Le scrutin en Alsace pourrait donc créer l'événement. Europe écologie aura beau confirmer sur le plan national sa percée spectaculaire des élections européennes et s'installer à environ 15% des voix, le parti des Verts restera au premier tour très loin derrière ses alliés du Parti socialiste. Aucune chance, donc, de remporter une présidence de région...à l'exception de l'Alsace.

Mais une dernière vague de sondages prédit désormais une victoire de la droite, avec une marge très serrée. «L'élection reste très ouverte, dit Dominique Jung, rédacteur en chef des Dernières nouvelles d'Alsace. Cela dépendra de l'importance de l'abstention, qui nuit à la droite, mais aussi du score de l'extrême droite: le Front national est en net recul, mais peut dépasser les 10% qui lui permettraient de se maintenir au second tour et de nuire au candidat de la droite, Philippe Richert. Celui-ci est maintenant donné légèrement favori. Mais sa victoire n'est pas acquise.»

L'Alsace a ses particularités. Elle a une forte tradition catholique et, dit Dominique Jung, «la droite y a toujours été démocrate-chrétienne ou gaulliste, c'est-à-dire sociale, modérée et très consensuelle, ce qui explique en partie la poussée spectaculaire du Front national dans les années 80». Cette droite «raisonnable» résiste mieux que dans les autres régions françaises. Autre singularité: le poids du mouvement écologiste, beaucoup plus important qu'ailleurs, en raison de l'influence des Verts allemands, de l'autre côté de la frontière.

La région la plus conservatrice de France, en somme, pourrait avoir la fantaisie de se donner un gouvernement local «écolo». Même si ce n'est pas l'hypothèse la plus probable.