La dirigeante socialiste Martine Aubry est tout sourire depuis une semaine, portée par la victoire «historique» de sa formation aux élections régionales françaises.

Bien qu'elle insiste sur le fait qu'il faut «laisser le temps au temps» lorsqu'on la questionne sur ses intentions, les spéculations vont bon train sur ses chances de remporter la présidence en 2012.

 

Difficile d'imaginer, en écoutant les analystes disserter à son sujet, que la politicienne de 59 ans était au plus bas il y a moins d'un an.

Le Parti socialiste, déchiré par d'incessantes querelles intestines, venait d'encaisser sous sa houlette une dégelée aux élections européennes et les «métaphores funèbres» étaient de rigueur, rappelle David Revault d'Allonnes, qui couvre le parti pour le quotidien Libération.

Élue première secrétaire à l'automne 2008 face à l'ex-candidate présidentielle Ségolène Royal lors d'un scrutin controversé, Martine Aubry peinait à trouver sa place. «Pendant les neuf mois suivant sa nomination, elle n'existait pratiquement pas médiatiquement. Elle ne communiquait pas, ne disait presque rien», souligne le journaliste.

Le tournant, relate-t-il, survient à la fin de l'été 2009 lorsqu'elle lance un programme de «rénovation», finalement adopté par référendum, qui prévoit l'interdiction du cumul de mandats et l'adoption d'un mécanisme de primaires pour désigner le candidat du parti à l'élection présidentielle de 2012.

 

L'anti-Sarkozy

Cette victoire en main, Martine Aubry multiplie les rencontres publiques, où elle s'attaque, sur un ton posé, aux politiques du gouvernement et du président Nicolas Sarkozy.

Son style austère, qui lui vaut parfois des comparaisons avec la chancelière allemande Angela Merkel, contraste avec celui du chef de l'État.

«Elle a une image médiatique qui est diamétralement opposée (à celle du président)... Elle n'est pas là à multiplier les promesses sans que les actes ne suivent», souligne Henri Weber, membre de la direction du Parti socialiste.

Le député européen se félicite du fait que Martine Aubry ait refait du parti une solution de rechange viable pour les «déçus du sarkozysme» et lui reconnaît, à ce titre, un rôle important dans la victoire de dimanche.

Il ne s'agit pas de la première résurrection de cette diplômée de l'École nationale d'administration, fille de l'ex-dirigeant européen Jacques Delors, qui a entrepris sa carrière dans les officines gouvernementales.

Elle a en effet connu un long chemin de croix à la suite de la défaite de Lionel Jospin à l'élection présidentielle de 2002.

Ayant fait sa marque comme ministre du Travail dans les années 90 en pilotant plusieurs réformes sociales, dont l'introduction de la semaine de 35 heures, elle était pressentie pour devenir premier ministre advenant une victoire du candidat socialiste.

Martine Aubry doit plutôt se replier à Lille, dont elle est devenue maire en 2000, et insuffle un nouveau dynamisme à la ville du Nord, désignée capitale européenne de la culture en 2004. Elle demeurera discrète sur la scène nationale jusqu'à son entrée dans la course pour la direction du Parti socialiste en 2008.

 

Vers 2011

Aujourd'hui bien en selle, elle devra composer avec plusieurs adversaires de taille pour être désignée candidate présidentielle aux primaires du parti, prévues en 2011.

L'actuel directeur du Fonds monétaire international, Dominique Strauss-Kahn, très populaire dans les sondages, figure parmi ses opposants potentiels les plus sérieux.

Ségolène Royal, qui vient d'être réélue en Poitou-Charentes, pourrait aussi se dresser sur son chemin.

Pour l'heure, l'avantage va clairement à la dirigeante socialiste, qui apparaît comme «le chef de l'opposition incontesté et incontestable», une position naturelle pour aspirer à la plus haute fonction du pays, souligne David Revault d'Allonnes.

Pendant ce temps, à droite, le vote se fractionne, compliquant d'autant les perspectives de réélection de Nicolas Sarkozy.

Le chef de l'État doit composer avec la remontée du Front national, dont il avait siphonné les voix en 2007, ainsi qu'avec les manoeuvres de son ennemi, l'ancien premier ministre Dominique de Villepin. Engagé dans une guerre sans merci avec le président, il vient de lancer un nouveau mouvement politique et convoite l'Élysée.

De quoi réjouir Martine Aubry, qui voit se multiplier les pronostics favorables. Jeudi, un nouveau sondage CSA indiquait qu'elle battrait l'actuel chef de l'État au second tour de l'élection présidentielle par un score de 52% contre 48%.

Comme le souligne un autre journaliste qui l'a longtemps suivie, la dirigeante socialiste «a toutes les cartes en main» pour remporter la mise. Il reste à voir si elle les jouera correctement.

Cette semaine, deux femmes ont particulièrement pris du galon sur l'échiquier mondial. L'une, Martine Aubry, est désormais considérée comme une très sérieuse prétendante à la présidence de la République française après la raclée infligée par son parti à Nicolas Sarkozy. L'autre, Nancy Pelosi, s'est imposée comme l'une des femmes les plus puissantes de l'histoire des États-Unis après avoir rassemblé les démocrates autour du projet de réforme de la santé du président Obama. Nos correspondants Marc Thibodeau et Nicolas Bérubé nous racontent l'histoire de ces femmes d'exception.