Le premier ministre britannique, Gordon Brown, a demandé hier à la reine Élisabeth de dissoudre le Parlement, donnant le coup d'envoi à une campagne électorale à l'issue imprévisible.

«Je suis votre homme pour garder le pays sur la voie de la relance.» Voilà l'essentiel du discours que Gordon Brown a tenu devant Downing Street hier, accompagné de ses ministres souriants. Il a annoncé le scrutin pour le 6 mai prochain.

 

Il s'agit des «élections les plus importantes depuis une génération», selon son rival conservateur David Cameron.

D'entrée de jeu, Gordon Brown a insisté sur ses origines modestes, sujet sensible pour David Cameron, dont les racines bourgeoises déplaisent à une partie de l'électorat.

Le premier ministre sortant a rapidement enfourché son cheval de bataille: l'économie. Il a demandé aux Britanniques un «mandat clair» pour poursuivre ses efforts visant à «rétablir l'économie, à bâtir les industries de l'avenir et à créer un million d'emplois au cours des cinq prochaines années».

Il a aussi promis de restaurer la confiance dans la classe politique, au plus bas depuis le scandale des notes de frais extravagantes des élus, dévoilées l'année dernière.

Conservateurs en avance

David Cameron a attaqué la journée en distribuant des tasses de thé aux journalistes réunis devant sa maison dès l'aube. «Il était temps!» a-t-il lancé à propos des élections.

Quelques heures plus tard, il a déclaré aux Britanniques: «Vous n'avez pas à endurer cinq années de plus de Gordon Brown.» Selon les sondages, les conservateurs ont une avance de quatre à dix points sur les travaillistes, au pouvoir depuis 1997.

Leur chef a promis d'être le champion des «gens honnêtes, pauvres ou riches, blancs ou noirs, qui travaillent fort, fondent des entreprises, paient leurs impôts... et se demandent désespérément si ce pays peut encore accomplir de grandes choses».

Aux économistes qui mettent en doute ses capacités à maintenir la relance économique, David Cameron a rappelé l'appui d'une vingtaine de chefs d'entreprise, la semaine dernière.

Nick Clegg, chef des libéraux-démocrates, troisième parti avec 20% des intentions de vote, a pour sa part insisté sur le fait qu'il y avait plus que deux chevaux dans la course.

Tout peut arriver

Malgré la légère avance des conservateurs, rien n'est joué. Les Britanniques auront droit à trois débats des chefs, une première au pays. Cette innovation pourrait profiter non seulement à David Cameron, mais aussi au jeune Nick Clegg, moins connu du public.

Aussi, les réseaux sociaux comme Twitter sont de nouveaux terrains minés sur lesquels les partis devront s'affronter. D'ailleurs, une guerre d'affiches électorales retouchées amuse déjà les internautes.

Environ 40% des électeurs affirment pouvoir changer d'idée avant d'aller aux urnes. Gordon Brown, que les sondeurs annonçaient mort et enterré il y a quelques mois, pourrait faire un retour en force. Le scénario le plus probable reste l'élection d'un gouvernement sans majorité, du jamais vu depuis 1974.

D'ici là, David Cameron devra se prémunir contre ses propres députés et leurs opinions surannées. Dimanche encore, la presse a fait ses choux gras de propos homophobes qu'a tenus Chris Grayling, ministre fantôme de l'Intérieur. Il a défendu des hôteliers qui avaient refusé d'héberger des clients gais. Ce sera peut-être le plus grand défi de David Cameron: convaincre les électeurs que son parti a changé pour le mieux.

 

LES RIVAUX 

GORDON BROWN

Date de naissance: 20 février 1951

Parti: travailliste

Chef depuis: juin 2007

Fait d'armes: Être toujours en poste. On ne compte plus les rébellions dans ses troupes.

Force: Son expérience. Ayant été ministre des Finances de 1997 à 2007, Gordon Brown inspire confiance en ces temps de disette économique.

Faiblesse: Son image. Alors que son prédécesseur, Tony Blair, brillait sous les projecteurs, Gordon Brown semble incapable d'inspirer les électeurs. Il multiplie les lapsus malheureux et transpire le malaise devant les caméras.

Arme secrète: Sa femme, Sarah Brown. Dans tous les galas de bienfaisance, elle use de son charme discret pour redorer l'image de son mari. Plus d'un million d'usagers la suivent sur Twitter.

Meilleur ennemi: David Miliband. Le jeune et brillant ministre des Affaires étrangères est sur ses talons depuis son accession au pouvoir. Pour la majorité des travaillistes, la question n'est pas de savoir si le charismatique David Miliband prendra un jour la tête du parti, mais quand.

Credo: L'élection des conservateurs pourrait replonger la Grande-Bretagne dans la récession.

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DAVID CAMERON

Date de naissance: 9 octobre 1966

Parti: conservateur

Chef depuis: décembre 2005

Fait d'armes: David Cameron a modernisé son parti après une longue traversée du désert à la suite de l'ère Thatcher.

Force: Son aisance dans l'oeil public. Le chef des conservateurs a récemment répondu avec aplomb à des questions de jeunes apprentis ouvriers, normalement acquis à la cause des travaillistes.

Faiblesse: Ses origines bourgeoises. Il a comme ancêtre Guillaume IV, ancien roi d'Angleterre. Diplômé du prestigieux collège Eton, il a été attaqué à maintes reprises pour s'être entouré d'anciens «etoniens», jugés élitistes et déconnectés de la classe ouvrière.

Arme secrète: Sa femme, Samantha Cameron. Enceinte de leur quatrième enfant, elle est si influente que les conservateurs ont lancé la «Sam Cam», une caméra qui la suit deux jours par semaine.

Meilleur ennemi: Son aspirant ministre des Finances, George Osborne. Vu comme le maillon faible de l'entourage de David Cameron, il envisage des coupes draconiennes dans les dépenses publiques, inspirant la méfiance à des économistes.

Credo: Une grande société plutôt qu'un gros État.

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NICK CLEGG

Date de naissance: 7 janvier 1967

Parti: libéral-démocrate (gauche)

Chef depuis: décembre 2007

Fait d'armes: Nick Clegg a réussi à unir le parti derrière lui, après plusieurs années de divisions internes.

Force: Son parti n'est associé ni aux syndicats, comme les travaillistes, ni aux classes aisées, comme les conservateurs. Dans l'éventualité probable d'un Parlement sans majorité, les libéraux-démocrates pourraient détenir la balance du pouvoir.

Faiblesse: L'identité du parti (fondé en 1988) n'est pas encore claire. Son programme à la fois progressiste et favorable au libre marché sème la confusion, même dans ses propres rangs.

Arme secrète: Vince Cable, son homme des finances. Les Britanniques sondés le préfèrent à l'actuel ministre des Finances, Alistair Darling, et au candidat conservateur, George Osborne. Il est le seul politicien à avoir prédit la crise financière.

Meilleur ennemi: Lui-même. Son franc-parler lui a déjà attiré quelques soucis. Notamment son aveu d'avoir couché avec une trentaine de femmes dans sa vie.

Credo: Les travaillistes et les conservateurs s'échangent le pouvoir depuis 65 ans. Les libéraux-démocrates incarnent le vrai changement.