À en croire l'acte d'accusation rendu public le 29 mars à Detroit, les membres de la milice Hutaree voulaient tuer des policiers dans l'espoir de déclencher «un soulèvement de plus grande ampleur contre le gouvernement». Ils auraient notamment prévu rallier des «points de rendez-vous» dans le Michigan pour mener leur «guerre», et «préparer leur défense derrière des fils déclencheurs d'explosifs enterrés et de bombes artisanales actionnées à l'aide de détonateurs».

Le complot présumé semble saugrenu, mais les agents du FBI, après avoir infiltré le groupe d'extrême droite, ont décidé de procéder à l'arrestation de huit de ses membres, affirmant que ceux-ci avaient l'intention de passer à l'action ce mois-ci. Il n'est pas interdit de penser que David Stone, fondateur de la milice Hutaree, avait tracé sur son calendrier un cercle autour du 19 avril, date qui a acquis une valeur mythique aux yeux de plusieurs extrémistes américains.

Il y a 15 ans jour pour jour, Timothy McVeigh, qui avait lui-même des liens avec une milice du Michigan, a garé devant un édifice du gouvernement fédéral à Oklahoma City un camion bourré d'explosifs dont la détonation, à 9h02, allait faire 168 morts et plus de 500 blessés. Ce vétéran de la guerre du Golfe était passé d'une révolte «intellectuelle» à une fureur «animale» contre son gouvernement après l'assaut de la police fédérale contre la secte des Davidiens à Waco (Texas), qui avait fait plus de 80 morts, le 19 avril 1993.

Quinze ans après l'attentat d'Oklahoma City, la haine du gouvernement fédéral est de nouveau en hausse aux États-Unis, un phénomène dont la milice Hutaree n'est qu'une manifestation parmi d'autres. Le nombre de groupes extrémistes épousant des doctrines antigouvernementales a presque triplé l'année dernière, passant de 149 à 512, selon un récent rapport du Southern Poverty Law Center, qui recense les activités de ce genre d'organisations.

Fièvre anti-gouvernementale

Quinze ans après l'attentat d'Oklahoma City, certains observateurs, dont Bill Clinton, n'hésitent pas à établir un parallèle entre le climat politique actuel et celui qui avait poussé McVeigh à commettre ce qui était alors l'acte terroriste le plus meurtrier jamais perpétré sur le sol américain. L'ancien président s'est même inquiété de la colère qui anime le mouvement Tea Party, dont les militants protestent notamment contre la politique budgétaire de Barack Obama.

«Le mouvement Tea Party peut être une bonne chose s'il nous force à justifier chaque dollar que nous récoltons en impôts et chaque dollar que nous dépensons», a déclaré Bill Clinton vendredi lors d'un discours devant le Center for American Progress, groupe de recherche progressiste à Washington. «Mais quand vous êtes en colère, vous finissez parfois par produire des résultats qui sont aux antipodes de ceux que vous dites vouloir rechercher.»

«Ce que nous avons appris d'Oklahoma City n'est pas que nous devrions nous taire ou que nous ne devrions pas défendre nos opinions avec passion, mais que nos mots ont vraiment des conséquences. Il y a cette immense caisse de résonance, et les mots sont entendus par les sérieux comme par les délirants», a-t-il ajouté.

Dangereuse rhétorique

L'ancien président a notamment reproché à l'une des héroïnes du mouvement Tea Party, la représentante républicaine du Minnesota Michele Bachmann, d'accoler l'expression «gangster» au mot «gouvernement». Il aurait pu multiplier les exemples du genre, la rhétorique de l'extrême droite étant adoptée par un nombre croissant d'élus républicains et de commentateurs conservateurs, qui dénoncent la «tyrannie» du gouvernement, déplorent la «destruction de (leur) pays» ou appellent à une «seconde révolution».

Quinze ans après l'attentat d'Oklahoma City, la «fièvre» antigouvernementale - le mot est celui de Bill Clinton - n'épargne pas l'État où McVeigh a frappé. Des dirigeants du mouvement Tea Party et des parlementaires conservateurs d'Oklahoma songent en effet à former une milice de citoyens pour combattre ce qu'ils considèrent comme les empiétements du gouvernement fédéral sur la souveraineté de l'État.

Selon ses promoteurs, une telle milice pourrait être autorisée par l'État d'Oklahoma en vertu du deuxième amendement de la Constitution des États-Unis.

«Le deuxième amendement traite précisément du droit des individus de porter des armes pour se protéger contre un gouvernement fédéral envahisseur», a déclaré Randy Brogman, parlementaire républicain qui tente de se faire élire au poste de gouverneur de l'État.

Un des dirigeants du Tea Party d'Oklahoma a pour sa part défendu l'idée de créer une milice dans un article publié sous le titre «Achetez plus d'armes, plus de munitions».