Le sénateur de Pennsylvanie Arlen Specter aura au moins eu le mérite d'être franc, le 28 avril 2009, en expliquant sa décision de virer démocrate. «Mon changement de parti me permettra d'être réélu», avait-il dit, tout en dénonçant la dérive à droite du Parti républicain, dont il était devenu un paria à la suite de son vote en faveur du plan de relance économique de Barack Obama.

Pauvre Arlen Specter: s'il faut se fier aux plus récents sondages, le politicien octogénaire pourrait bien subir un revers retentissant le 18 mai à l'occasion de la primaire démocrate pour l'élection sénatoriale de novembre en Pennsylvanie, et ce, en dépit de l'appui du président et de l'état-major de son parti. Comment est-ce possible? La réponse risque d'avoir des répercussions non seulement en Pennsylvanie, mais également au Kentucky et en Arkansas, deux autres États qui tiendront mardi des primaires en prévision des élections de mi-mandat.

 

«Il y a actuellement aux États-Unis un fort courant contre les élus sortants et les candidats choisis par l'establishment», explique Terry Madonna, sondeur et politologue au Franklin and Marshall College en Pennsylvanie. «Et si vous étiez à la recherche de l'élu sortant emblématique, vous ne pourriez mieux choisir qu'Arlen Specter. Il est au Sénat des États-Unis depuis 30 ans. Il tente d'obtenir un cinquième mandat.»

Coqueluche du Tea Party

Cette révolte électorale ne se manifeste pas seulement chez les démocrates. Dans la primaire républicaine pour l'élection sénatoriale du Kentucky, le candidat de l'establishment, Trey Grayson, un politicien de carrière, accuse un sérieux retard dans les sondages sur un néophyte, en l'occurrence Rand Paul, fils du représentant texan Ron Paul et ophtalmologiste de profession, qui est devenu la coqueluche des militants du mouvement Tea Party de son État.

«Rand Paul tire profit de deux phénomènes», dit Stephen Voss, politologue à l'université du Kentucky. «Le premier est le réflexe anti-establishment qui influence les primaires républicaines et démocrates dans tout le pays. Le deuxième est ce mécontentement persistant chez les républicains à l'égard des compromis des années Bush, à savoir l'engouement pour un gouvernement plus interventionniste et le détournement des priorités nationales des républicains au profit de la politique étrangère.»

Mécontents des démocrates

Les exemples de Bennett et Mollohan n'ont évidemment rien de rassurant pour la sénatrice d'Arkansas Blanche Lincoln, qui voudra remporter au moins 50 % des suffrages mardi à l'occasion de la primaire démocrate pour l'élection sénatoriale de novembre. Si elle n'y parvient pas, elle devra affronter dans un deuxième tour son principal adversaire, le lieutenant-gouverneur Bill Halter, qui jouit de l'appui de puissants groupes d'intérêt nationaux de gauche.

«Ces groupes d'intérêt voulaient faire de la sénatrice un exemple» de ce qui peut arriver aux élus démocrates qui adoptent des positions trop centristes, explique Janine Parry, politologue à l'université de l'Arkansas. «C'est la raison pour laquelle Blanche Lincoln fait face aujourd'hui à un challenger démocrate.»

«Il y a deux ans, les électeurs étaient mécontents des républicains. Aujourd'hui, ils sont mécontents des démocrates», résume Terry Madonna, le politologue et sondeur de Pennsylvanie, qui attribue une bonne partie de cette grogne à la situation économique.

En novembre, la reprise économique, si elle se confirme, aura peut-être changé la donne politique. Mais ce changement risque d'arriver trop tard pour un élu sortant comme Arlen Specter, dont l'adversaire démocrate, le représentant Joe Sestak, ne manque pas de rappeler aux électeurs sa déclaration du 28 avril 2009.

«Arlen Specter a changé de partis pour sauver un job: le sien, pas le vôtre», dit le narrateur d'une de ses publicités télévisées.