La cravate rouge que portait Nick Clegg cette semaine pour son discours sur ses réformes «révolutionnaires» n'était peut-être pas le fruit du hasard. Les propos du vice-premier ministre pourraient se résumer en un slogan souvent associé aux communistes: «Le pouvoir au peuple.»

Le chef des libéraux-démocrates, qui partage le pouvoir avec le premier ministre conservateur David Cameron depuis le 12 mai, a posé les jalons «du plus grand bouleversement démocratique depuis 1832», lorsque le droit de vote a été étendu aux non-propriétaires.

Il a défini trois étapes. Tout d'abord, abroger les mesures de surveillance envahissantes des citoyens. Ensuite, rendre la politique plus «ouverte et transparente». Enfin, redistribuer «radicalement le pouvoir» aux communautés et aux électeurs.

Nick Clegg, dont le partenariat avec David Cameron a été conditionnel à ces réformes, a claironné: «Avec notre gouvernement, vous aurez plus de pouvoir sur l'État et non l'inverse... C'est ainsi que nous pouvons construire une société juste.»

Fin de l'État de surveillance

La coalition veut mettre un frein à la «culture d'espionnage» du gouvernement sortant. Exit, donc, les passeports et les cartes d'identité biométriques, ainsi que la prise d'empreintes d'ADN des enfants et des personnes arrêtées, mais non inculpées.

L'utilisation de caméras de surveillance, endémique en Grande-Bretagne, sera réglementée. Aussi, les restrictions sur le droit de manifester seront levées.

«Notre gouvernement sera fier quand des citoyens lutteront contre les intrusions de l'État», a proclamé Nick Clegg.

Le vice-premier ministre veut rétablir le dialogue entre le peuple et ses élus. «Nous allons faire ce qu'aucun gouvernement a fait avant nous: nous vous demanderons d'indiquer les lois que vous ne voulez plus», a-t-il dit.

D'ailleurs, les électeurs auront le pouvoir de «renvoyer» les députés corrompus. Du côté des lobbyistes, ils seront mieux encadrés et leurs activités, plus transparentes.

D'importantes réformes parlementaires sont également en préparation, dont l'élection des membres de la Chambre des lords (chambre haute) au lieu de leur nomination par les partis.

Enfin, Nick Clegg mettra en oeuvre un référendum sur un système électoral plus proportionnel, le cheval de bataille de son parti libéral-démocrate.

Son ambitieux programme, applaudi par la presse de gauche, n'est pas une révolution du pouvoir aux yeux des experts que La Presse a interrogés. Est-ce la «nouvelle politique» que le tandem Cameron et Clegg a promis? Sans doute, répondent-ils prudemment.

«Si toutes ces réformes sont adoptées, et il y en a beaucoup, ce serait une rupture importante avec l'ancien gouvernement, dit Rodney Barker, professeur émérite à la London School of Economics. Notre politique deviendrait plus populaire, plus représentative.»

En matière de libertés civiles, la volonté de réduire les mesures de surveillance est chaudement accueillie. «L'État devenait de plus en plus contrôlant. C'est un premier pas bienvenu», dit James Panton, professeur à l'Université d'Oxford.

En général, les deux analystes saluent une invitation au débat et une ouverture de la politique vers les citoyens, bien que les mécanismes pour contester des lois soient toujours inconnus.

«C'est bon pour la démocratie, dit Rodney Barker. Il n'y a rien de pire que des électeurs désillusionnés et apathiques.»